LE CIRQUE BLEU

The Blue Circus 1950 by Marc Chagall 1887-1985

Poisson rouge poisson bleu
Tout était mélangé dans ce rêve
La tête en bas je flottais
Dans un liquide amniotique aux couleurs primaires
Un poisson bleu m’offrait des fleurs
Et je divaguais et m’enroulais
Comme un embryon flottant

Une bonne tête de cheval apparu
Avec des faux-cils, souriant
Pour me donner la clé
Et je rêvais le rêve
Dans mon costume rouge et bleu
Je rêvais de la prochaine étape
Celle où je trônerais au plafond
De l’Opéra du Palais Garnier –
Et je me tortillais aisément
Sur mon trapèze en gestation
Entre cheval, poulet et poisson

Là-haut au plafond du palais Garnier
J’assisterais à tous les ballets
Aux premières loges tous les jours
Et je me glisserais dans la peau de chacun et chacune
Des danseurs
Sur la scène
Et mon corps changerait de costume
Se faufilerait dans les leurs
Dans leurs peaux
Scène noire, dans les feux
Je danserais dans la poussière,
Eblouie
Les pieds à terre touchant le sol
Par intermittence
Je flotterais dans l’air, voiles au vent
Jambes et bras lianes tendues
Retombant légèrement
Sur terre.

*

Quatorze ans après le Cirque bleu, Chagall signait le plafond de l’Opéra Garnier. Je ne le savais pas jusqu’à ce que j’y aille un jour, à l’Opéra. Quand j’ai vu ça de mes yeux vu, j’ai été étonnée, et puis je m’y suis faite. Assez du caractère pompeux du passé ! Il fallait de la légèreté, du moderne, un coup de fraîcheur.

Puisqu’on parle de rêve, il faut que vous sachiez que l’Opéra était mon premier rêve de petite fille, rêve éveillé, pas endormi : le monde de la danse, de la musique, la beauté des corps parfaits en mouvement, les décors, les costumes, les histoires et les contes de fée. Vers mes six ans j’ai dû voir le lac des cygnes sur notre télé en noir et blanc, puis j’avais lu (et relu jusqu’à l’apprendre par cœur) Côté Jardin d’Odette Joyeux, que quelqu’un m’avait offert (je dis quelqu’un car je ne me rappelle pas qui me l’avait offert). Je ne suis pas allée à l’Opéra avant ma trentaine. Le rêve est toujours là.

Voilà ce qui s’est tramé par association d’idées en voyant la proposition d’écriture pour l’Agenda Ironique à l’Atelier sous les feuilles. Je sais, il fallait se mettre dans la peau du poisson, mais je suis du signe Poisson, alors je connais. Pour l’anecdote, je suis aussi Cheval de feu (astrologie Chinoise). Alors je suis tout-en-un, comme dans les rêves.


BLUE CIRCUS

Blue fish, goldfish
Everything was mixed up in this dream
Upside down I floated
In an amniotic fluid of primary colors
A blue fish offered me flowers
And I drifted and twirled around
Like a floating embryo

A friendly horse head appeared
With fake eyelashes, smiling
and he gave me the key
And I dreamed the dream
In my red and blue suit
I dreamed of the next step
When I would preside on the ceiling
Of the Palais Garnier Opéra
And I squirmed with ease
On my trapeze in gestation
Between horse, fish and chicken

Once up there on the ceiling of the Palais Garnier
I would attend all ballets
In the front row every day
And I would slip into the skin
Of each dancers
On stage
And my body would change costumes
Sneak into theirs
In their skins
Dark stage, in the lights
I would dance in the dust,
Dazzled
Feet on the ground
Intermittently
I would float in the air, sails in the wind
Legs and arms stretched like the vine
Falling again slightly
On earth.

*

Fourteen years after the Cirque Bleu, Chagall signed the ceiling of the Opéra Garnier in Paris. I did not know this until I visited the Opera one day. When I saw this, past the surprise, I got used to the idea. Enough of the pompous past! We needed lightness, modernity, a touch of freshness.
Since we are talking about dreams, you have to know that the Opera was my first childhood dream, daydream: the world of dance, music, the beauty of perfect bodies in motion, theatrical sets, costumes, stories and fairy tales. When I was six, I saw Swan Lake on our black-and-white TV, and then I read (and reread until I knew it by heart) Côté Jardin by Odette Joyeux that someone had given me (I say someone because I do not remember who gave it to me). I did not visit the Opera before my thirties. The dream is still there.
This is the association of ideas that answered the writing prompt for the Agenda Ironique offered by Atelier sous les feuilles. I know, I was supposed to put myself in the skin of the fish, but I’m from the Pisces sign, so I know. For the anecdote, I’m also a Fire Horse (Chinese astrology). So I’m all-in-one, like in dreams.

10 thoughts on “LE CIRQUE BLEU

  1. J’aime quand l’art de peindre se mêle à l’art d’écrire. à chaque fois j’ai le sentiment que tout devient possible, les mots, les formes, les couleurs vivent vraiment… C’est en tout cas ce que je ressens à te lire 🙂

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  2. Le rêve est amniotique, en apesanteur, et le dormeur s’éveille dans le rêve jusqu’au réveil dans le réel, où il aura oublié le rêve dans le rêve.

    Ionesco avait écrit là-dessus je crois. C’est un petit bout d’écrit de lui que j’aimerais beaucoup retrouver.

    Et puis il se dit ceci :
    Penchons nous un peu sur l’étymologie du mot “RËVER”. Il vient du latin “exvagus” qui veut dire “errer, vagabonder”. Jusqu’à la fin du moyen âge il avait ce sens, il faut savoir que la forme de pensée de cette époque n’était en rien pareille à celle d’aujourd’hui, à l’époque l’âme et le corps étaient intimement liés, on ne considérait pas l’un sans l’autre, le langage symbolique était chose courante, on parlait beaucoup par métaphores, par parabole.

    https://www.wengo.fr/voyance-astrologie/blog/1399317/6227-les-reves-le-miroir-de-notre-verite-interieure

    Mais je ne sais rien du rêve, au fond.

    Et celui-là est bien onirique, suspendu entre coq lune poisson et âne vert dans le frisson d’une toile de Marc.

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  3. Pingback: Agenda ironique d’avril 2018 – Les textes | L'atelier sous les feuilles

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