Poems

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LES CELEBRITES DECEDEES

Certains jours je ne trouve rien de mieux à faire
Quand je m’emmerde au bureau
Que de surfer le web
Pour tuer le temps

Et parfois j’arrive sur une page croustillante
Celle des célébrités décédées.
Je reluque celles de l’année
Au cas où j’aurai manqué quelque chose
Parce que je suis déjà passée
Par Romy Schneider
Patrick Dewaere,
Etc.
Des fois je me dis que ça pourrait être moi
Dans ce groupe-là

Ils sont tous bien classés
Avec leurs photos, leurs bios, leurs œuvres.
Ca me fait bien plaisir
Ils ont fait leur chemin
Et moi je fais le mien
Sauf que j’aimerais employer mon temps un peu mieux
Que de surfer le web.
Comme par exemple faire comme eux
Chanter, danser, jouer dans des films,
écrire des livres, jouer du piano.

Mais bon, je me dis que Romy,
Elle, elle n’y était même pas arrivée, à mon âge
Quand elle a fini son parcours
Ce qui veut dire que moi, en quelque-sorte,
maintenant c’est du surplus,
du trop-plein
Alors je peux un peu gaspiller un peu
Pas grave !

©Véronique Hyde, 2016

* * *

LES PARAPLUIES DE NEW YORK

Les parapluies de New York
Que j’avais achetés sur Broadway
Dans une boutique de souvenirs
Tenue par des indiens méfiants
Quand il s’était mis à pleuvoir
Maintenant ils traînent dans ma voiture
NEW YORK en or sur nylon noir
I heart NEW YORK sur rose bonbon

Je les regarde et je me dis
Que c’est pour de la pluie en toc
Pas pour de la vraie pluie d’ici
C’est pour du crachin au jet d’eau
Sur fond de nuit Américaine.

Un petit parapluie de New York
Ca ne protège pas des coups durs
Ca prend les choses à la légère
Comme du Tinsel-town pixie-dust
Dans une comédie musicale

C’est pas comme les Parapluies de Cherbourg
Les bons gros pépins durs de durs
Avec des baleines en acier
Qui ne connaissent pas le Happy Ending
C’est plutôt ça qu’il me faudrait
Dans ma voiture avec la pluie
Et le genre de vie que j’ai ici 😉


danseuse

REPETITION GENERALE

Quel plaisir de pouvoir grappiller en cuisine
Des mets en préparation, et de les savourer
Parce que justement ce n’est pas l’heure de manger.

Par exemple la beauté délicate
Et éphémère d’un simple cours de danse
Mais sur la scène
Utilisée comme si de rien n’était
En salle de danse improvisée
Avec le pianiste en piano de bastringue
Dans un coin
Quelques heures avant de devenir autel sacré,

La danseuse en pointes
Claudiquant en canard
Dans un couloir
Tel l’albatros, que les ailes de géant empêchent de marcher,
Le genre de poses maladroites
Que Degas avait bien notées,

Et durant le « Piano –dress »
Le contraste entre la fille en robe orange
Aux gros pétales dansants
Et l’autre en simple justaucorps noir
Dont le costume n’était pas encore prêt
Et dont les gestes parfaitement chorégraphiés
Et strictement similaires aux autres
Paraissent appartenir à un autre ballet.

Peut-être un certain plaisir dans
Les choses inattendues, décalées
Les idées chamboulées.

11/13/2016


fullsizerender

NETTOYAGE AVEC VINCENT DELERM

Au saut du lit un dimanche
j’ai emmené Vincent Delerm
Dans la chambre de mes filles en haut
Pour faire le ménage.

Il était un peu à l’étroit,
Spotified dans le haut-parleur
Mais ça ne s’entendait pas du tout,
Sa voix sortait claire et nette.

Je l’ai posé sur la table de chevet de Gwen
Et il nous a emmenées dans le métro de Paris
Dans ces chambres qu’il a connues
Avec des jeunes filles de bonne famille
Qui lançaient des sourires comme ça
Et c’était bien de se balader avec lui,

Pendant que je ramassais sur le sol
Pour la nième fois, toutes ces fringues
Qu’elles ne mettaient pas
Mais que personne ne jetait non plus
Parce qu’on ne sait pas à qui c’est
D’ailleurs, ni d’où ça vient.

Et j’ai plié et replié
Et replacé dans les tiroirs
Tous ces morceaux de leurs vies
Que j’ai vu défiler devant moi
Vêtement par vêtement
Et la mienne aussi.

Certains vêtements avaient une histoire
Une histoire de France par exemple :
le petit haut de Monoprix
tout joli en mauve gris
et que Charlotte n’a jamais mis
parce qu’elle considérait
que ça faisait orpheline
dans la comédie musicale Annie ;
Le t-shirt rayé qu’elle portait
Sur la photo prise par papa
Et que je n’ai vu sur elle que cette fois.

Et j’ai ouvert la fenêtre
Vincent Delerm chantait Paris
Des noms de rue, de boulevards
Et tout était si joli et si frais
Heureusement le soleil brillait
Et Vincent Delerm opinait
Et m’emmenait chez ses parents,
Chez ses copines dans ses soirées
A la française.

Et j’ai continué à trier
Les choses qu’elles n’ont jamais portées
La robe de bal d’il y a huit ans
Avec l’étiquette toujours dedans
Les tank-tops, les pyjamas
Les articles indéfinissables
Avec des bretelles minuscules
Et des corps bizarres flottants.

J’ai levé les yeux et j’ai vu la chambre
Les couleurs qu’elles ont choisies avec moi
Les fleurettes roses
Les oreillers jaune pâle
Et il y avait comme un goût de France,
de gaîté et délicatesse.

Il y avait des parfums cachés aussi
Dans les placards
Des vieux savons parfumés
De vieux flacons qu’elles laissaient trainer
Entre une vieille robe de fée de quand elles étaient petites
Et les petites peluches
Et l’ours rose avec sa robe blanche.

Vincent Delerm me faisait
Verser quelques larmes
Avec ses mélodies nostalgiques
Et j’ai jeté dans un grand sac
Un vieux boa moche qui se déplumait
Et une vieille perruque d’Halloween.

Pendant ce temps l’arbre bruissait
Sous le vent dehors
Et les feuilles scintillaient un peu
Pour mettre des paillettes sur le tout.

Et je pensais pendant ce temps là
Que dans les chansons de Vincent Delerm,
Il n’y a pas la sombre culpabilité
Ou la bêtise et la stupidité
La brutalité, l’abrutissement
Des légumes à pieds
Qui trainent leurs flip-flops à Walmart
Ces hommes et ces femmes de la bouche de qui
Sortent des crapauds et des horreurs
Comme les sorcières de contes de fée

Il n’y a pas non plus
La chaleur brûlante d’ici
Qui aplati l’intelligence
Et la soumet
Sous son pied de plomb.
On en ressort tout affalé
De cette chaleur.

Vincent Delerm a entamé
Une chanson sentimentale
Sur le thème du boulevard Voltaire
que je ne connaissais même pas
Ca sentait le petit chewing-gum dragée
A la menthe de mon enfance
L’air à 73 degrés exactement
Et la brise sur ma peau
Sur les longues avenues, ou les courtes aussi, d’ailleurs
Bordées de tous les petits cafés
Les petits tabacs,
Les arbres avec leurs racines sous grilles
Tous ces moments qu’il a vécus
Et qui font partie de ma vie aussi.

J’ai rangé dans une boîte les livres
Qui trainaient sous le lit en couche épaisse
J’ai entassé tous ces bouquins
De leur enfance
Et j’ai vu tous mes efforts
Tous les livres éducatifs
Que j’avais acheté à Paris à chaque voyage
Premiers pas au Louvre
Les contes français, Le petit Poucet,

Et Vincent Delerm chantait
A propos du poulet du Dimanche
Et ça m’a donné un peu faim
Faim des odeurs de rôtisserie
Dans les rues en France le matin.

A la fin de la matinée
J’avais rempli des sacs poubelle
J’avais même réparé le lit cassé.

J’ai emmené les sacs en bas
Avec le panier à linge sale
Et j’ai pris la France avec moi
J’ai mis un petit coup de parfum
Dans l’air en partant
Pour remercier Vincent.

 * * *

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MAUDSLAY 2016

We received an invitation
To a private banquet for two
On the Estate.
It was a once in a lifetime!
Whispered Brahmins’ ghosts at the gate.

They took us to the best table
In the back yard for privacy
Overlooking a spacious stage
On which invisible fairies
Danced around in the golden haze
To the low hum from the river.

The gods provided with the heat
Conditioned by a muted breeze
Mosquitoes and flies hurried by
Making sure all was handled well.
The highway faraway murmur
Reminded us of other times.

It was a fine banquet for two
On a weathered picnic table
It was quite a Master’s painting
Framed with the Merrimack on the right
and a quiet grove on the left.

We ate and drank and kissed and shared
A most polite conversation
While the show of nature went on.
It was worthy of ancient Greece
Featuring all its wild creatures
Visible only to our eyes.

And when all food and drink was gone
We had to leave this perfect scene
On the way out a blue heron flew
And wrote an arc above our heads.

I would have thought I dreamt it all
If it wasn’t for the bug bites
On my ankles the day after.

* * *

HARVARD POETRY BOOKSTORE

“I’ll be back soon” she said
Stepping down at two-thirty pm
From the tiny poetry bookshop
Tucked In the short narrow street
Off Harvard Square.

The arrow was pointing to ten minutes
On the sign on the door
And I wondered what could take her away
On that Wednesday afternoon in summer.

We patiently sat on the steps
Like John Harvard in the yard
Indulging her and her mysteries

We waited and waited

A man came to the door
Looked at his watch
Shook his head and left.

When she came back
We could finally reach the shelves
And devour the titles of slim volumes of poems
Most by obscure authors of wispy thoughts

While she lamented
Who buys poetry books these days
Around here?
dwindling stock, few customers.
Times are hard for poetry.

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* * *

SEATTLE SPACE NEEDLE 2016

Background a nice grey hue
Foggy mist of a Seattle fall day
A few yellow leaves drop from tame trees
Onto the ground.
How do you define happiness?

I had imagined the space needle tall and sharp
We are now entering a non-functional rocket ship
like characters in a Tintin comic book
in a slow-mo elevator
Soft edges painted pastel green

Once it was going to be
The Eiffel Tower this side of the Atlantic
Now it’s a museum of the past
With Sinatra’s songs played on top
Songs of when I wasn’t even born

You say “the last time I came here
Was with my kids”
You point to things in the skyline
I vaguely think about lunch, later

We lose each other in the crowd
I look for you on TV screens
with make-believe static

When is it happiness?
It’s a little bit windy, I’m a little bit cold
What if we could live a standstill
Sit in it as in an armchair.

A leaf flies on the left of the frame
Someone plays a Chinese instrument outside
One woman claps.

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* * *

EMILY DICKINSON’S HOUSE RULES

“DON’T TOUCH” says a placard on the square piano
Displayed In the living room
And we are warned right away we’ll never
Know what it would have been like
To visit you and Lavinia in your own house.

DON’T HEAR what you really played.
Did you work on “The sliding Waltz”?
Would I hear the current pop songs,
Or the Weird and beautiful melodies
The Old odd tunes
Of your own inspiration?

DON’T SMELL the coconut cake aroma
Rising up the wooden stairway
Or the freshly baked loaf of bread.
Did it smell warm and thick in those days?
Did you care for the “blanc-mange”
That they made in Concord nearby?

Please just don’t taste those creations
(Did you share some with the Master?)
I would like to see you eating
Three or four slices at a time.
Let me see the pure Emily stuffing her face with glee.

Don’t watch the towers of magazines,
Piling up in the library.
Don’t try to see her at all please!
Sitting at her desk, luminous
Filling the dress left out for us.

Don’t scramble to your knees to check
Under the bed just one more time
if anything was left behind
Don’t try to catch a glimpse of her
They add
Waving her hand from the window as you leave.

Do, on the other hand
Explore the orchard
With Richard Wilbur in a box
Glued to your ear
Not to lose a word of a poem,
Or a bird song, a “bobolink”
Which might well be hiding in the tree
That shades the house and the garden
And which you are not forbidden to hug.

Because the whole point you see
Is for you to remain
The forever virginal meter-maid,
For you to remain the mystery
the numinous spectral fantasy
We want to keep for eternity.