L’IMAGE FINALE

Mon oncle Roland et moi errons dans les dédales du parking de l’aéroport Charles de Gaulle. Il est venu me chercher (j’arrive de mon exil aux US pour des vacances en famille,) mais il ne sait plus où il a laissé sa voiture.

Si quelqu’un mourait ici d’un infarctus personne ne le saurait ! il resterait là. Mort ! 
Je souris intérieurement. Peut-être même extérieurement. Il râle assez fort pour que les rares passants en ce matin de semaine sachent ce qu’il pense. Depuis dix minutes on cherche sa voiture qu’il pensait avoir garée à cet étage du parking. Elle a été volée ! 

Roland est le demi-frère de mon père. Il n’est plus tout jeune.
Si je raconte cet épisode ici, c’est pour clore le récit de mes retrouvailles virtuelles avec mon grand-père. Mon oncle est la seule personne vivante, à part mon père, qui ait connu ce grand-père et qui pourrait m’évoquer, sinon l’homme, au moins un peu de ce monde passé.

Côte à côte, nous déambulons avec ma valise dans les aires grises et sans âme des parkings silencieux.

Je sens sa détresse qui monte. L’embarras. C’est peut-être aussi l’émotion de rencontrer sa nièce qui l’a distrait.
Je suis patiente, même si le décalage horaire se fait sentir – le vol Boston-Paris se fait toujours la nuit. Je suis partie tard la veille, mais j’ai dormi un peu dans l’avion.

Il a accepté la tâche que lui a proposé mon père, de me conduire de l’aéroport à la gare Montparnasse d’où je prendrai le TGV en direction de la Bretagne.
J’aurais facilement pu prendre la navette de l’aéroport mais mon père a insisté pour contacter son frère, lui confier une mission pour nous mettre en rapport. C’est la débrouille, le système D.

Finalement mon oncle se rend compte qu’il s’était trompé d’étage. On remonte dans l’ascenseur. Après une heure d’errance, gros soulagement.

Maintenant on peut faire la traversée de Paris.

Toutes les rues ont une histoire pour lui. Il me fait visiter une ville de carte postale que lui seul connait. Moi mes repères sont très différents : là où j’ai travaillé, là où j’habitais, mon studio rue des Batignolles, P&G à Neuilly, les quartiers où j’aimais me balader, les stations de métro. Evidemment, il y a aussi le quartier où je suis née, où j’ai grandi.
Mais son Paris à lui est peuplé de nos ancêtres.

C’est là que Rose, ton arrière-grand-mère tenait un atelier de repassage. Ici, ta grand-mère achetait des fournitures de peinture. Elle peignait.

Saint-germain : on allait de bar en bar, la nuit. Le but était de faire le plus de bars possibles.

Les cafés rutilants qu’il me montre sont des théâtres, scène et parterre, où se déroulent les drames et comédies de la vie parisienne. Il y a des étalages d’huitres, d’autres ont des stands de crêpe attenants. Rien de spécial, sauf si on vit comme le reste du monde, ailleurs.

J’aimerais réaliser un film de cette visite, pour moi-même. Parce que ma mémoire est pleine de trous. Pourquoi une telle richesse de passé et d’histoires familiales alors que j’aurai tout oublié dans quelques mois.

Mais bientôt on arrive à la gare Montparnasse. La gare des bretons puisque ses lignes desservent l’ouest de la France. Il y a la gare de l’Est, la garde du Nord, la gare St Lazare, et la gare Montparnasse. Les deux dernières me sont les plus familières.

A l’intérieur, il nous reste un peu de temps. Nous nous installons à une table de café parmi les voyageurs. On parle un peu de tout, mais au milieu de la conversation, il part sur un souvenir. Ça me rappelle ton grand-père Gabriel, je le revois… 
Je ne sais pas quoi dire.  Il me peint l’image du naufrage à la fin d’une vie qui ressemble à une course d’obstacles.

Je vois qu’il les revoit encore, ces images et qu’elles lui font toujours mal.
De plus en plus je comprends que la vie est faite de beauté et de laideur entremêlés, qu’on ne peut pas faire l’économie du malheur, de la maladie, physique et psychologique.
Je voulais remettre les pendules à l’heure, remettre en contexte la vie entière d’un homme, sans garder seulement le pire. Je vois plus clairement maintenant les contrastes, les zones d’ombre et de lumière. Ce jour-là, il me parlait de l’ombre. Je sais que ce n’était que contraste.

Recherche de toilettes : Regarde là-bas, ces sanisettes. Il y a un truc pour ne pas payer, je vais te montrer. 
Je ne sais pas si je dois le prendre au sérieux. Pourquoi éviter de payer deux euros pour ces nouvelles installations de toilettes autonettoyantes ? Mais je sens qu’il vit dans un autre monde, celui du passé, à la guerre comme à la guerre, un monde où il faut se jouer de l’adversaire, pour économiser des bouts de ficelle.
On dirait que d’autres petits malins ont déjà forcé la porte de la machine et qu’elle ne ferme plus entièrement.  Ce n’est pas de la délinquance, c’est encore du system D. Pourquoi payer pour pisser ? les hommes, de toute façon, n’ont qu’à trouver un angle sombre et le tour est joué. Mais pas ici quand même.

L’heure du départ approche. Encore sonnée par l’intensité des histoires qu’il m’a racontées, et par ma nuit de voyage, je marche à ses côtés jusqu’à la porte du train. A l’intérieur, j’aperçois des petites lampes sur toutes les tables du wagon restaurant. Une atmosphère confortable, intime s’en échappe.

Avril à Paris, les marronniers sont en fleur, mais il fait tout de même un peu froid. Il me dit « garde cette écharpe, je te la donne. »  J’enroule son écharpe autour du cou. J’ai gardé cette écharpe pendant longtemps.

BAGATELLE

DOmiciliée, heureuse à Azay-le-Rideau
REveillée tôt matin et au piano voici,
MIrabelle travaillant ses gammes pour le gala
FAmilière des spectacles, scènes, coulisses et sous-sols,
SOlos et concerti, audience sur des sofas.

LA sonate de Chopin, joyeuse épidémie
SIgnifie falbalas, échalas et soirées !
DOrures, applaudissements, bouquets et puis dodo.

                        Encore !!!! ..    Champagne et puis dodo.

                        Encore !!!,,,     Doliprane puis dodo.


Voici ma petite composition pour l’Agenda Ironique de Juillet, ici DO RÉ MI FA SOL LA SI DO. L’agenda ironique de juillet 2022.
Il fallait un texte en sept parties, dont chacune devait commencer par une note de musique. J’ai fait fort, non? (si vous voyez l’astuce)  
Merci tout l’Opera !

POEM ABOUT A WALK-IN CLOSET / GARDE ROBE

Aucun rapport avec ma série précédente. Qui pourrait bien être finie, parce que je crois que j’ai mis la touche finale au tableau. Mais rien n’est sûr.  le petit joyau qui suit en français et en anglais m’a été inspiré quand ma fille cherchait un appartement.

POEM ABOUT A WALK-IN CLOSET
The apartment came with a walk-in closet
so they walked in
for a stroll
They stuffed their noses in the clothes
hanging in there
she went straight to the “go-to pants”
which had her name written all over them
tripped on the shoes lying around,
Did you have a good trip? He joked
it was a mixed bag, in there
organized and disorganized
with recessed lights and no windows
and then they never walked out
Because there is no such thing as a walk-out closet

There was also a walk-in bathtub
but they did not get a chance to visit.

J’ai joué sur le sens littéral d’expressions familières qui n’ont pas d’équivalent en Français (que je sache). Alors je vous propose un exemple de très mauvaise traduction, pour les vraiment curieux, et un anglicisme assorti : « Ca ne fait pas de sens ».


POÈME SUR UN GARDE-ROBE

L’appartement était équipé d’une pièce garde-robe
alors ils sont entrés
pour jeter un coup d’œil
Ils ont fourré leur nez dans les vêtements
accrochés là
elle est allée directement au « pantalon de prédilection »
qui avait son nom écrit partout
trébuché sur les chaussures qui traînaient,
Est-ce que tu as fait un bon voyage? il a plaisanté
c’était un sac de mélange, là-dedans
organisé et désorganisé
avec des lumières encastrées et pas de fenêtres
et puis ils ne sont jamais sortis
Parce qu’il n’y a pas de garde-robe « sortie »
Il y avait aussi une baignoire à l’italienne
mais ils n’ont pas eu l’occasion de visiter.

STORY OF THE BOY WHO WENT TO NEPAL/HISTOIRE …

STORY OF THE BOY WHO WENT TO NEPAL

Once upon a time there was a boy in that college
The most beautiful boy on campus
As beautiful as the silhouette
of Jim Morrison painted in black light
in the basement of Old Kenyon,
where parties took place
And where I met the boy
Whose name I can’t remember.

He wore a t-shirt that read
“Sinfully delicious” on the back

He came one day to see me
and we talked and we talked
I don’t remember what about
but he was just as beautiful
in my room as he had been out
And then I didn’t see much of him anymore.

When I left the campus at the end of the school year
Someone who knew him told me that the boy
was planning to fly on a plane to France
And I had a glimmer of hope
That it might be for me!

Imagine the lights glowing
Of that Boeing 737 on the tarmac
at night, in the fog,
on the right and left-side wings!
All that for me!

And then I forgot all about him,
as I never bumped into him in Paris
or anywhere else either

Until one day someone who knew him told me
that when he had indeed landed in Paris
the City of Lights
He took a look around himself
then caught another plane
this time to Nepal

To this day I am still wondering
If he took his “Sinfully Delicious”
T-shirt to Nepal,
And if he turned around because
He didn’t see me at the airport,
I will never know.


HISTOIRE DU GARÇON QUI EST PARTI AU NÉPAL

Il était une fois un garçon dans ce collège
Le plus beau garçon du campus
Aussi beau que la silhouette
de Jim Morrison peinte au sous-sol
du Vieux Kenyon, où se déroulaient les fêtes,
L’endroit même où j’ai rencontré le garçon
Dont je ne me souviens plus du nom.

Il portait un t-shirt qui disait :
” Délicieux comme un péché” au dos

Ce garçon est venu un jour me voir
et nous avons parlé et parlé
Je ne me souviens pas de quoi
mais il était tout aussi beau
dans ma chambre qu’il l’était au dehors
Et puis je l’ai perdu de vu.

Quand j’ai quitté le campus à la fin de l’année scolaire
Quelqu’un qui le connaissait m’a dit que le garçon
prévoyait de prendre l’avion pour la France
Et j’ai eu une lueur d’espoir
Que ce soit pour moi !

Imaginez les lumières qui brillent
De ce Boeing 737 sur le tarmac
la nuit, dans le brouillard,
sur les ailes droite et gauche !

Tout ca pour moi!
Et puis je n’y ai plus pensé
Car je ne l’ai jamais croisé à Paris
ni nulle part ailleurs.

Jusqu’au jour où quelqu’un qui le connaissait m’a dit
que quand il avait débarqué à Paris
la Ville des Lumières
Il avait regardé autour de lui
Puis avais pris un autre avion
pour le Népal

A ce jour je me demande encore
S’il avait emmené son T-shirt
“Sinfully Delicious” au Népal
Et s’il avait fait demi-tour parce que
Il ne m’avait pas vu à l’aéroport
Je ne saurai jamais.


On approche de la fin de ma collection de poèmes basés sur les souvenirs de mon année d’assistanat aux Etats-Unis, souvenirs de jeunesse dans lesquels je me suis replongée pendant le confinement. Je crois qu’il en reste quelques-uns dans le sac, un ou deux, pas plus.

GO ASK ALICE/FUMER AVEC ALICE

GO ASK ALICE

While certainly frightening
The experiment in Janice’s bedroom in the Old Kenyon building
Where the Ghost of old Kenyon was lurking already
Was necessary and instructive.

Janice was wearing a Salvation Army shirt
With yellow pineapples against a blue background.
She flashed white teeth as she smiled
And laughed softly as if the whole thing
Was not a matter of becoming stupid,
As in stupefying your brain
Your already underused mind
But instead, performing a sacramental rite
Or opening some kind of door
That had been locked before
Maybe for some good reason.

I wanted to be brave
So I thought I would try
Stepping to the other side of the mirror
And into another room
To rummage where it was none of my business
And what on earth would I find there?
I’d never really been the sort
to go where I was not supposed to go, especially
if it involved alarming paraphernalia

To add another layer of smoky flavor
She started playing on her CD player
A song that disturbed the heck out of me
Called Go ask Alice
Who was that Alice?
The voice I heard was that of a far-out creature
with floating sleeves stirring a pot of shroom and newt

So I did smoke with them that day
and I know
you are curious to find out what happened.

The first time, I was told, you feel nothing
Like nettles or poison Ivy you feel nothing at first
But after a while, together we stepped out of the room
The three of us and we visited a class
While floating a few centimeters above the floor
And the professor’s voice came through a haze
Oddly nothing was sturdy and things were drifting.

The day after, I put my conventional clothes back on
As well as my sensible shoes
And went back to studying with my regular half-brain.

I found I still do not share the preoccupation
With visiting otherworldly realms to access some knowledge
While messing up with the old cranks and pullies
When I have scarcely begun visiting this perfectly fine world
Thank you very much.

^ ^ ^

FUMER AVEC ALICE

Bien que certainement effrayante
l’expérience dans la chambre de Janice dans le bâtiment Old Kenyon
où le fantôme du vieux Kenyon se baladait déjà
était nécessaire et instructive.

Janice portait une chemise de thrift shop
Avec des ananas jaunes sur fond bleu.
Elle montrait ses dents blanches quand elle souriait
Et riait bêtement
comme s’Il ne s’agissait pas de devenir stupide,
De liquéfier un cerveau humain déjà sous-utilisé
Mais d’accomplir un sacrement
D’ouvrir une sorte de porte
Verrouillée auparavant
Sûrement pour une bonne raison.

Je voulais être courageuse
Alors j’ai accepté d’essayer
De passer de l’autre côté du miroir
Et dans une autre pièce
Pour fouiller là où ce n’était pas mes affaires
Et que diable y trouverais-je?
Je n’ai jamais vraiment été du genre
A aller là où je n’étais pas censée aller,
Surtout s’il fallait pour cela tout un attirail inquiétant

Pour ajouter une autre couche d’arôme fumée
Elle a mis sur son lecteur CD
Une chanson étrange et bizarre
Appelée Go Ask Alice
Qui donc était cette Alice?
La voix que j’entendais m’évoquait une créature lointaine
Aux manches flottantes touillant dans un chaudron
De champignons et de triton

Donc j’ai fumé avec eux ce jour-là
Et je sais
Que vous êtes curieux de savoir ce qui s’est passé.

La première fois, dit-on, on ne ressent rien
Comme les orties ou le poison Ivy,
On ne ressent rien au départ

Mais après un moment, nous sommes sortis
Tous les trois et avons visité une classe
Flottant à quelques centimètres du sol
Avec la voix du professeur qui traversait la brume
C’était assez étrange que rien ne soit solide et que les choses dérivent.

Le lendemain, j’ai continué à porter mes vêtements conventionnels
Et mes chaussures sensées et je suis retournée
Etudier avec mon demi-cerveau habituel.

J’ai trouvé que je ne partage pas la préoccupation des autres
A visiter d’autres royaumes
Pour accéder à certaines connaissances
En passant outre les vieilles manivelles et poulies

Et en flottant comme des zombies.
Alors que je viens juste de commencer
A visiter ce monde tout à fait correct.


If a reader asks, I am aware that there is a big difference with this cannabis-smoking experience and the psychedelic LSD experience of the song. But I am not the one who played the song and set up the atmosphere!

Si un lecteur se le demande, je suis bien consciente qu’il y a une grande différence entre cette expérience de fumer du cannabis et l’expérience psychédélique de LSD de la chanson. Mais ce n’est pas moi qui ai joué la chanson et créé l’ambiance !

AGENDA IRONIQUE DE JUILLET!

TSOUIN TSOUIN TSOUIN (sonnent les trompettes de la victoire)

Je reviens de mes (courtes) vacances et je tombe les flip-flops et le chapeau de paille pour vous annoncer le résultat des votes:

1ère place: Une petite sirène, de Lyssamara

Et comme organisateur, vous réclamez tous Iotop!

Merci à tous de votre participation !

Signé : VictorHugotte


L’organisateur?

LES TEXTES – C:EST ICI!!

https://ledessousdesmots.wordpress.com/2021/07/14/le-temps-de-sourire-et-lombre-fait-langage/

https://toutloperaoupresque655890715.com/2021/07/10/plan-plan-rataplan-cest-le-bruit-du-tambour/

https://touslesdrapeaux.xyz/agenda_ironique.html

https://laglobule2.wordpress.com/2021/07/07/journee-bof-mais-pas-trop-agenda-ironique-de-juillet/

https://victorhugotte.com/2021/07/15/annette-et-la-tasse-de-cafe/

Lyssamara participe ici :

https://docs.google.com/document/d/1WN9xrBjtuM3Sxm49YxTMkA4tuH7uldSk9US-gK8XR8I/edit?usp=drivesdk

https://chchshr.wordpress.com/2021/07/24/agent-dart-den-rire-un-homme-a-toper/


Tchachacha, froufrou, splat, et scouic.

Je vous propose d’utiliser onomatopées, répétitions et accumulations pour relater une étape de la vie d’une personne, ou un moment particulier, comme par exemple les préparatifs du matin, ou du soir. Quelques borborygmes seraient aussi les bienvenus.

Vous avez jusqu’au 26 juillet, et puis après on vote. Clap clap clap !

Si vous êtes nouveau ou nouvelle, vous postez votre texte sur votre blog, shlak!, et puis hop, vous copiez-collez le lien dans les commentaires ci-dessous.
Tic toc, tic toc…

CHAPEL WEDDING

CHAPEL WEDDING

You were leading, as usual:
your country, your college, your way
and I happily followed
down Middle Path
bemused, blissfully borrowed from my own self

We stood in front of the chapel
you always liked a good chapel
with candles burning inside
that evening we walked in
like when you walk into a ruin
looking for treasures
shiny bottles of colored glass

We both liked a good adventure
there was nobody else around
we stayed inside for a while
breathing the holy air
Look, you pointed up to a bird
banging its body on rafters above
We took this for some sign

Perhaps we lit a candle
For the two of us
Then we came out
and sat on the front steps
against a closed door
and I lit up a cigarette
that was before you requested I quit

I remember that evening
and thought I might write it down
with no other meaning than to record
One of the celebrations in my life


LA CHAPELLE

Tu menais, comme d’habitude
ton pays, ton université, ton chemin
et je suivais avec plaisir
sur Middle Path
amusée, béatement empruntée à moi-même

Nous sommes arrivés devant la chapelle
tu as toujours aimé une bonne chapelle
avec des bougies allumées dedans
ce soir-là, nous sommes entrés
comme quand tu pénètres dans une ruine
à la recherche de trésors,
des petites bouteilles de verre coloré

Nous aimons tous les deux une bonne aventure
Il n’y avait personne
nous sommes restés un moment à l’intérieur
a respirer l’air sacré
regarde, tu as pointé du doigt un oiseau
qui cognait son corps sur les poutres au-dessus
nous avons pris ça pour un signe

Peut-être avons-nous allumé une bougie
pour nous deux
puis nous sommes sortis
et nous sommes assis sur les marches
contre une porte fermée
et j’ai allumé une cigarette
c’était avant que tu me demandes d’arrêter

Je me souviens de ce soir là
et j’ai pensé que je pourrais le mettre noir sur blanc
sans autre signification que d’enregistrer
Une des célébrations de ma vie.


Illustration: Church of the Holy Spirit, Kenyon College

Encore un souvenir, des moments qui reviennent comme des images, des bornes le long du chemin.

SHOTS

The idea to gather
after an event, a party
in the room of a student you don’t know
a scenery you have never seen
and at a very late hour
the later the better
to line up behind a counter
with your new friends
as they get out small glasses
and fill them with alcohol
Tequila (they show you the worm)
the idea being to swallow it down
as quickly as possible
then as many as possible
without enjoying it
and with no specific reason,
is a fascinating concept
and entirely new to me.

You see, there is no motive
other than the fact
that one should try anything once
and you have not come all the way
across the globe
to stay in your room

You want to be surrounded
with these fine students
selected promising scholars
thoroughly sorted and tested
the top of the crop
crème de la crème.

You feel warm, warmer
and then somewhat confused
and then so confused
you don’t remember
You were singing
Ah tut tut pouet pouet la voilà
La totomobile

Because you do not find out
until later
at least after you found yourself
deep into the toilet bowl
of your own dorm
with someone holding your hair.

You will remember darkness outside
the tone of dark wood panels
interesting navy blue curtains
in a cozy home on campus
and the choice company.

You will remember
the scientific curiosity
of those avid young brains
to find out what
something that comes from a bottle
Does to the average human being
In the shortest length of time.

You will always remember
the zeal they showed
to observe another soul
poison itself and deflate like
a birthday balloon
Right in front of your eyes.


SHOTS

L’idée de se rassembler
après un événement, une fête
dans la chambre d’un étudiant que tu ne connais pas
un scène que tu n’as jamais vue
et à une heure très tardive
le plus tard possible le mieux,
de s’aligner derrière un comptoir
avec ces nouveaux amis,

qui sortent des petits verres
et les remplissent d’alcool
Tequila (ils te montrent le ver)
l’idée étant d’avaler le contenu
aussi vite que possible
puis autant que possible
sans en tirer aucun plaisir
et sans raison particulière,
est un concept fascinant
et entièrement nouveau pour toi.

Tu n’as pas d’autre motif
que l’idée qu’on doit essayer tout une fois
et tu n’as pas fait tout ce chemin
autour du monde
pour rester dans ta chambre.

Tu veux être entourée
de ces excellents élèves
prometteurs et sélectionnés
soigneusement triés et testés
top de la promo
crème de la crème.

Tu sens la chaleur, un peu plus
puis tu te sens un peu confuse
et puis si confuse
que tu ne te souviens pas
que tu chantais
Ah tut tut pouet pouet la voilà
La totomobile

Parce que tu l’apprendras plus tard
après que tu t’es trouvée
plongée dans la cuvette des WC
de ton propre dortoir
quelqu’un te tenant les cheveux.

Tu te souviendras juste
de l’obscurité dehors
Des panneaux de bois sombre
De rideaux bleu-marine
D’une maison sur le campus
Et de la compagnie de choix.

Tu te souviendras
De la curiosité scientifique
de ces jeunes cerveaux avides
de savoir ce que ce qui
sort d’une bouteille
Fait à l’être humain moyen
Dans les plus brefs délais.

Tu te souviendras toujours
du zèle qu’ils montraient
A observer une autre âme
s’empoisonner et se dégonfler
comme un ballon d’anniversaire
Devant leurs yeux.


Un autre souvenir de jeunesse pendant mon séjour dans l’Ohio. Je crois bien que c’était la première et la dernière fois que je buvais de la Tequila.

Photo by Isabella Mendes on Pexels.com

#3 – LES LIBRAIRIES / PAPETERIE / JOURNAUX

 

Une des choses que j’adore en France sont les librairies-Papeterie-Journaux, ces petites cavernes d’Ali-baba avec leurs jouets et gadgets, les bracelets avec les prénoms dessus en ordre alphabétique, les stylos, les cahiers, les carnets, les crayons. Il y a une odeur unique d’encre, parce que les stylos-plume, on ne les trouve pas ailleurs qu’en France.
En général il y a tout un mur de magazines, la plupart emballés maintenant dans un plastique assez désagréable qui fait du bruit, avec un bidule en plastique fait en Chine ou un supplément sur le sexe ou la nourriture comme « cadeau promotionnel ». Mais tout de même, toutes ces couleurs et toutes ces couvertures prometteuses !
Et en Français !

« Gégé,» je l’ai dégoté dans une petite librairie-papeterie-presse au recoin de la plage à Larmor Plage, entre les seaux, pelles et râteaux, lunettes de soleil et cartes postales. Ce qu’il faisait là, Depardieu en livre, je n’en sais rien. Ca s’est fait comme ça. C’était une bonne surprise. Et je l’ai emporté. Je n’ai pas été déçue.
Et à chaque fois que je vois le livre, je suis automatiquement téléportée à la librairie-papeterie-presse où je l’avais trouvé.

La première chose que je fais quand j’arrive en France c’est me ruer sur la première librairie qui vient. La dernière fois c’était le Virgin Megastore près de l’Opéra. Et là, de butiner de table en table telle une mouche à miel autour de toutes ces couvertures et titres en compétition, pour faire peut-être la découverte de celui qui deviendra un meilleur-ami, un compagnon de route.
Quel émoi quand je reviens. Une vraie fête.

Oui, il y a des librairies indépendantes dans mon coin du monde en Nouvelle Angleterre. Et il reste une grande chaîne aussi. Mais ce n’est pas pareil. La différence est dans le choix des reliures, les couleurs des couvertures, et le fait que les livres sont des bouquins Américain en anglais. J’adore. Mais quand même, le monde des lettres françaises, c’est sucré, chaud, épicé, chaleureux, coloré. Confortable, quoi.

Le plus drôle, c’est que quand j’étais encore française, à mon premier retour des Etats unis il y a longtemps, je recherchais plutôt les librairies anglophones. Je prenais l’avenue de l’Opéra, par exemple, et passais pas mal de temps chez Brentanos (disparu depuis), ou au Virgin Megastore des Champs-Elysées. Là, j’y avais acquis une série de John Updike, histoire de maintenir mon niveau d’anglais et de me replonger dans la culture que je venais de quitter. Je me revois dans mon studio, sur mon lit, lisant Couples, m’initiant à cette petite coterie de la Nouvelle Angleterre. J’étais à des lieues de savoir que je passerais une bonne partie de ma vie sur ces lieux géographiques exacts quelques années plus tard.
A la Shakespeare & Company, j’avais déniché un des premiers self-help books, The Road Less Travelled de Scott Peck. Chacun ses intérêts, n’est-ce pas. Les miens sont assez éclectiques. J’assume.

Brentanos

Brentano’s Paris

 

Ce dont je veux parler, ce sont des librairies et des livres qui y sont associés et qui nous y ramènent.

Par exemple The Republic of Love, de Carol Shields, me ramène immanquablement à une belle librairie de Montpellier. Ce livre a fait mes délices au cours des années, quelque-chose dans l’humour un peu biscornu mais rassurant de l’auteur. Et un goût spécial de Winnipeg, au Canada. Je ne m’en suis jamais lassée.

D’un sous-sol de Québec, j’étais ressortie toute heureuse avec Juliette Pomerleau, d’Yves Beauchemin, un de ces amis qui redonnent toujours son sens à la vie (je parle du livre). Et à Montréal, un petit bouquin de Christian Bobin, La grande vie s’est imposé à moi comme ça, au détour une allée. Kindred spirits. Ȃmes-sœurs.

Dans ma bibliothèque personnelle de l’autre côté de l’Atlantique vous trouverez une série de livres d’Arnaud Desjardins qui ont un petit air d’Angers où je faisais mes études. Ils me ramènent à travers le temps et l’espace dans cette jolie ville et ce havre de paix dans une rue dont j’ai oublié le nom, mais pas l’impression.

De ville en ville, d’année en année, je me suis souvent retrouvée au Brookline Booksmith qui avait toujours une sélection qui me plaisait. J’y ai rencontré, entre autres, Stephen McCauley, The Object of my Affection, et Alain de Botton, How Proust can Change your Life. De bons moments.

Mais il fallait à tout prix que je rentre en France, régulièrement. A Paris, je me baladais dans le quartier latin essayant de ne pas louper une minute, une seconde de mon temps, à l’affût du bon livre qui pourrait changer ma vie. Chez Gibert Jeune, Boulevard Saint-Michel, j’avais dégotté une copie des nouvelles de Vladimir Nabokov, traduites en Français, La Vénitienne. Dégustation spéciale.

Et puis il y a les aéroports avec les rayonnages qu’on explore rapidement la carte d’embarquement à la main pour une rencontre de dernière minute.
Ou alors même, ahem… le rayon des bouquins des supermarchés. Je ne suis pas snob. Du Leclerc de Larmor Plage j’ai ramené la vie de Polnareff qui s’ennuyait sur un rayon, sous les néons un peu gris, près des étalages de serviettes de bain. Je n’ai pas été déçue non plus
Qui pourrait résister à l’idée de savoir tous les détails de la vie des chanteurs de son enfance ? J’avoue que j’ai même feuilleté furtivement, sans l’acheter, le bouquin de Michel Delpech en passant dans une autre petite librairie de Lorient qui elle, est bien ancrée dans ma mémoire.

D’ailleurs, j’ai un faible pour les biographies, les autobiographies et les mémoires.
A chaque fois, je crois que je vais y trouver la clé du destin des hommes, celle qui me fera voir enfin comment ça marche, décoder la logique des cieux dans les motifs répétitifs des vies des unes et des autres, et qu’enfin je comprendrai là où je vais (sans lumières).

Truffaut : sa biographie je l’avais dénichée chez Schoenhof’s à Cambridge. Ce que j’en avais appris? que cent fois sur le métier il fallait remettre son ouvrage, toujours remonter en selle après la chute. Voilà pourquoi je suis là, n’est-ce pas ?

Mais nous étions près de Lorient, alors allons-y, dans les petites ruelles qui s’approchent du port, près du mur du rempart, au fond. Là, par hasard, j’ai poussé la porte d’une librairie improbable. Esotérique. Catholique. Branchée spi, quoi. Et j’ai passé quelques très bons quarts d’heure entourée de noms dont beaucoup m’étaient familiers. Mais surtout, j’en suis ressortie avec une très belle rencontre, celle d’Eric Edelmann, Mangalam : Un parcours auprès d’Arnaud Desjardins. Délices de la lecture, des voyages, des enseignements. Je ne vois rien de mieux qu’accompagner les autres dans leurs aventures et partager leurs périples. Et je n’oublie pas (au cas où il me lirait) les écrits de mon vieux pote Gilles Farcet, mon étoile du Nord. Les siens, j’en ai re-acheté sur Amazon.

Maintenant il y a Amazon, à travers le monde. Là, on perd cette couche de souvenirs sensoriels supplémentaire. Mais on peut aller droit au but.

Voilà donc un tout petit tour de ma bibliothèque. Eclectique, mais rassurez-vous, ce n’est pas tout. Et ce n’était pas le sujet.

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HORS-SÉRIE

Aujourd’hui, édition spéciale- un petit break dans la série Ma France.

Ca va vite, les choses qui s’accumulent sur mon bureau: papiers, cahiers, un pot de crayons dont la plupart sont inutilisables (crayon de bois sans mine, Sharpies desséchées) et puis des dossiers, médicaux, école et université pour les filles, factures, assurances…

Et des photos. Une petite pile de photos de famille que ma mère m’envoie de temps en temps. Et comme au temps des appareils à pellicule (dont elles proviennent), il y en a des ratées, mal cadrées, pas flatteuses.
Mais je les garde parce qu’elles sont rares. Et puis hier, je remarque sur ma table un rectangle blanc. Comme je n’arrête pas de nettoyer mon bureau, de jeter à la poubelle avant que ça s’accumoncelle, je le prends et le retourne. Je ne comprends pas : c’est un papier photo lisse et vierge alors que je n’en ai pas chez moi, et de l’autre côté, l’écriture de ma mère :

« J’ai mis du temps à te l’envoyer, mais voilà, c’est fait. J’aime bien cette photo, c’est rare que l’on soit prises toutes les deux. Un petit moment de vie. Je reviens de chez le loueur, et je vais tondre. Tu es très BCBG. Bisous. Maman »

Alors je me souviens. Ma mère m’en avait d’abord parlé plusieurs fois, de cette photo. «Tu verras, tu es très bien ! » Et donc j’avais attendu pendant longtemps, à moitié, en considérant la distance, le courrier-escargot, toutes ces contingences matérielles. Mais comme maman ne me parle pas de choses insignifiantes, j’attendais quand même avec curiosité. Et puis j’avais oublié.

Puis un beau jour la photo est arrivée.

Et là, grosse déception. Maman, elle, est très bien, en effet: jeune et svelte et alerte dans son sweat-shirt des années quatre-vingt, les cheveux blonds et le visage bronzé. Mais moi… moi ! Comme je ne m’aimais pas justement à quinze ans, l’âge ingrat, grasse petite bourgeoise avec une petite queue de cheval tronquée et un nœud parce que c’était ce qui se faisait à l’époque. Pas exactement un moment « Kodak », il n’y a pas vraiment d’échange, j’ai l’air plutôt maussade et maman toute à son affaire, les mains sur la fameuse tondeuse fraîchement louée.
Une photo qui plait à maman peut-être (comme elle dit, on est rarement ensemble sur les photos de l’époque), mais qui me ramène au malaise de l’adolescence où j’essaie tant bien que mal de prendre ma place dans le monde. Bien sûr avec la distance, je vois bien que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

J’avais laissé la photo sur mon bureau. Et je réalise, lentement, qu’elle s’est effacée à la lumière. D’elle-même, comme l’encre invisible, comme une impression à rebours, comme un effet spécial dans un film, comme un accident qui causerait l’amnésie pelliculaire.

Fini la tondeuse, maman dans son sweatshirt, moi et mon nœud-nœud.

Faut-il y voir un mauvais signe?
Ou bien signe que ces temps sont bien révolus et que je suis maintenant l’adulte épanouie qui a effacé le vilain petit canard ? Il serait temps.
Je regarde ce carré blanc retourné à l’état originel et je pense à l’impermanence.

Il faut donc tout laisser aller… même les photos que maman trouve importantes.

Je continue à retourner ce carré blanc entre mes mains : quel culot, la lumière, d’avoir tout piqué !
Je m’insurge ! Et puis cette pseudo-science qui fait des promesses bien temporaires. Pourtant je pense à tant d’autres photos bien plus vieilles qui elles, ne se sont pas auto-détruites !

Et quelques heures plus tard apparait sur l’écran de mon téléphone, une autre photo. Un portrait de moi noir et blanc, mais dans une autre vie.

C’est un message de mon amie Béatrice, que j’ai retrouvée l’année dernière alors que nous nous étions perdues de vue depuis plus de vingt-cinq ans. Béatrice est une étrange amie qui apparait un peu comme les anges, puis qui disparait, souvent porteuse de messages. Elle m’ouvre le cœur et les yeux sur d’autres paysages.
Une chanson de l’époque à la radio disait : « Je me demande comment quelqu’un comme toi fait pour être quelqu’un comme toi je ne comprends pas. »
Alors voilà, je ne comprends pas, mais c’est très bien comme ça. Elle embellit les choses, en gros.

Elle m’envoie donc ce portrait où je me vois, toute jeunette, à travers un regard artistique : le sien ou celui de son ami de l’époque. J’avais vingt-quatre ans et j’étais venue leur rendre visite à Bruxelles, de Paris où j’habitais alors. Cette photo, je crois bien ne l’avoir jamais vue avant. Je les trouvais très beaux, elle et son ami anglais. Elle était ambitieuse, avec un style unique, une esthétique qui sortait de l’ordinaire, quelque-chose de cinématographique dans la lumière, les couleurs et les choses dont elle s’entourait.
Sa voix, bien sûr, sa belle voix. Elle mettait autour des gens et des choses une lumière speciale. C’est peut-être pour ça que je la voyais ange. Elle n’a pas changé.

Et du coup, ce qui s’envole, maintenant, ce qui s’efface, c’est la solitude que je ressentais ces jours-ci. J’avais fermé mon cœur et je me sentais toute recroquevillée, à l’étroit dans ma vie quotidienne. Et le voilà qui s’ouvre !

Et cette photo-là a survécu, quand d’autres se sont évaporées. Qui choisit ?

D’un côté, une photo s’efface. De l’autre, un fantôme réapparait. Je m’émerveille.

*