#5 – SEXTINE D’ANGERS

 

 

#5 – SEXTINE D’ANGERS

Quand j’étais étudiante en Anglais à Angers
Comme d’autres à la recherche d’un appartement
L’agence immobilière me donna la clé
D’or d’un logis médiéval où n’irait pas un chat
« Façade à colombages ! près de la cathédrale !
Logis de caractère ! » près d’être abandonné

Je dormais dans un lit froid et abandonné
Quand j’entendis un rat, le plus gros rat d’Angers
Grignoter des trous gros comme des cathédrales,
Dans mes boites de victuailles faire ses appartements.
Sans chauffage, sans lumière, sans espoir et sans chat
De ce taudis humide je maudissais la clé.

Grâce à un grand miracle je mis bientôt la clé
Sous la porte pour partir, courir, l’abandonner.
Un héritage subit me tourna en pacha:
Ma mère avait acquis au beau milieu d’Angers
Tout confort et chauffé un bel appartement
Qui me fut pour deux ans palais et cathédrale.

J’étudiais en fumant dans cette cathédrale
De thèmes et de versions toujours cherchant la clé
Entre université et mon appartement,
Pouvais-je aussi trouver un chat abandonné
Qui me tienne compagnie tous les soirs à Angers ?
Une amie d’une amie trouva pour moi un chat.

Tout d’abord je dansais, entrechats, chachacha
Et boites de pâtée montais en cathédrales
Pour cette chatte née dans une ferme d’Angers.
J’achetais une litière puis l’enfermais à clé
Mais cette sauvageonne se crut abandonnée
Et tout le jour pleurait dans mon appartement.

En gros elle n’avait rien d’une bête d’appartement
Elle grimpait aux rideaux et miaulait comme un chat
Échaudé ; épuisée je dus abandonner ;
L’idée me vint d’aller jusqu’à la cathédrale
Et à ce monstre à griffes aigues donner la clé
Des champs, dans un coupe-gorge sombre du vieil Angers.

Entre un appartement et la belle cathédrale
Si vous voyez un chat comme un mystère sans clé
Il fut abandonné un beau soir à Angers.

©Véronique Hyde, 2017

Il y a une grosse différence entre visiter un pays et y vivre : tous les détails de la vie quotidienne et les situations qui s’étalent dans le temps.
Bien que française pure souche, je n’ai pas vécu assez longtemps en France pour m’y être vraiment installée. Je n’y ai gagné ma vie que pendant neuf mois, puis je suis retournée aux Etats-Unis. Je n’ai jamais connu l’achat de meubles, de choses de maison, toutes les démarches qu’on fait quand on est adulte. Et quand j’étais étudiante, je rêvais parfois de ce que je ferais quand j’aurais un peu d’argent, quand je travaillerais, quoi.
Parfois je me demande ce à quoi ressemblerait ma vie, mon intérieur, si j’avais vécu en France.

Ceci dit, un sujet s’est imposé : ma vie à Angers quand j’étais étudiante, indépendante, mais pas complètement. Et m’est revenu en mémoire un épisode que j’ai raconté plusieurs fois à diverses personnes, mais en prose. J’ai essayé cette fois d’en faire une Sextine*, en utilisant les mots clé de mon histoire : Angers, appartement, clé, chat, cathédrale, abandonner.

(* La sextine est une forme poétique, composée de six sizains, dont les mots en fin de vers restent les mêmes, mais répartis selon un ordre différent : mathématiquement parlant, il s’agit d’une permutation d’ordre 6.)

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