Recette du Tout et son contraire à la sauce pingouin

AI Juin

Pour l’Agenda Ironique de Juin, j’ai préparé un petit plat spécial dont je partage la recette :

Recette du Tout et son contraire à la sauce pingouin

Pour cette recette il faudra mettre les petits plats dans les grands, donc assurez-vous que les vôtres sont emboitables, et que vous en avez assez.

Commencer par cueillir quelques rayons de soleil le matin de bonne heure (quand ils sont frais et tendres).
Puis faites-les macérer dans un bocal d’eau jusqu’au soir, dans le proverbial endroit sec et frais.
Pendant la nuit, collectez le même nombre de rayons de lune. La qualité du met dépendra de la qualité de ces rayons, choisissez bien. Les jours de pleine lune donneront un arôme généreux et puissant, alors que les jours de lune décroissante, eux, rendront un goût plus subtil et complexe.
Mélangez-les bien dans le même bocal. Mettez de côté.

Trouvez au fond du placard votre bocal d’herbe de brousse. Assurez-vous que les brins en sont bien secs et jaune-paille, comme sur les photos que vous avez vues d’Afrique.
Réduisez-les en une poudre que vous humecterez d’un décilitre d’eau d’océan bien mouillée.
Couvrez et gardez sur votre comptoir la pâte obtenue, à la lumière de la macération soleil-lune.

Il est conseillé, pour préparer cette recette, de se protéger les pieds de chaussures en caoutchouc pour éviter de devenir conducteur des courants électriques créatifs provoquées par la préparation. Des étincelles pourraient se produire. Pour la même raison, il est recommandé de se couvrir d’un chapeau en caoutchouc à large bords.

Affublé de ces oripeaux ridicules, allez chercher un pingouin bien dodu sur la banquise, ou bien au rayon surgelé de votre supermarché.
Ensuite bricolez un tournebroche dans votre jardin avec des bouts de bambou.

Maintenant, faites revenir des petits oignons dans une poêle en fonte ainsi qu’une livre de chanterelles (qui doivent chanter juste et assez fort pour qu’on les entende). Ces deux-là (oignons et champignons) n’ont pas besoin de leur contraire. Allez savoir.

Pendant qu’ils rissolent à petit feu, installez-vous dehors et faite rôtir votre pingouin à la broche pendant quelques heures. Détendez-vous, vous devez être épuisé(e) après tous ces efforts, il faut donc vous rafraichir pour le reste de la préparation. Lisez un bon livre, par exemple.

Et puis occupez-vous de vos oignons de temps en temps.
Quand le pingouin est à point, ajoutez-le au nom de la recette, mais casez-le au frigo pour un autre jour et une autre utilisation (chacun sait que le contraire de pingouin est « pas de pingouin ».)

Prenez dans votre frigo le tentacule de pieuvre du commun et coupez-le en petits morceaux de la taille de bouchées humaines moyennes. Ajoutez les morceaux à votre poêlée de chanterelles. (Vous pouvez ajouter un peu de beurre si le mélange est sec.) Puis ajoutez petit à petit les morceaux de tentacule de pieuvre du contraire. Laissez dorer, mais pas trop longtemps, ou les mollusques deviendraient aussi caoutchouteux que vos chaussures.
Otez-les de la poêle et mettez-les de côté sur une assiette.

Saisissez-vous alors de votre bocal d’eau de lumière astrale, et de la pâte de terre-mer, dont vous mettrez une bonne cuillère à soupe dans votre poêle. Délayez-la avec la décoction d’astre, portez à ébullition et laissez épaissir jusqu’à l’obtention d’une sauce qui nappera la cuillère. Miam, miam. Mais gaffe aux étincelles !
Remettez les morceaux de poulpe dans la sauce, avec leur jus.

Saupoudrez de poivre vert fraichement moulu, et simultanément de poivre rouge, puis de quelques grains de sel de Guérande.

N’oubliez pas de retirer votre accoutrement idiot avant que les invités arrivent.
Servez immédiatement. Expliquez à vos amis qu’ils vont goûter un petit (mais alors très petit) avant-goût de plénitude de la non-dualité.
Regardez leurs visages s’illuminer dès les premières bouchées (éteignez la lumière pour voir !) et dites-leur de se taire pour écouter les chanterelles.

Bon appétit !

*  *  *

Pour cette recette il fallait suivre les directions de Carnets Paresseux : comme d’habitude, forme libre, chanson, poème, conte, récit, tarentelle, haïku, dictionnaire, encyclopédie universelle… avec toujours une dose d’ironie et une autre de calendrier ; pas beaucoup plus de 700 mots ; glisser cinq des sept mots suivants : soleil, brousse, chaussure, pingouin, tentacule, épuiser, vert.

15 thoughts on “Recette du Tout et son contraire à la sauce pingouin

    • Hélas ! c’est la vieille chaine de l’alimentation. J’ai hésité à partager cette recette, je savais que les âmes sensibles allaient s’émouvoir. Ceci-dit, on peut voir les choses de différentes façons. Peut-être que le pingouin est heureux de participer à une telle recette, et de revivre à travers les cellules des invités. Et de toute façon, rien ne disparait, tout se transforme.

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  1. C’est juste génial, un court-bouillon soli-lunaire, un cuisinier en bottes caoutchouc pour éviter les court-circuits, qui s’occupe de ses oignons de temps en temps, j’adore.
    Je me suis bidonnée à la lecture.
    Tous ces pas contraires ou pas non contraires sont savoureux et fondent sous la progression du texte.
    Je me souviens avoir lu dans télépoche de la semaine 22 an 2015 qu’il n’y a pas de dualité chez les pingouins d’Afrique du Sud et que le poulpe de l’Everest mais cela reste à vérifier.
    Bravo, quel style !

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  2. Pingback: Tous [les textes] et leur contraire (agenda ironique de juin) ! | Carnets Paresseux

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