L’IMAGE FINALE

Mon oncle Roland et moi errons dans les dédales du parking de l’aéroport Charles de Gaulle. Il est venu me chercher (j’arrive de mon exil aux US pour des vacances en famille,) mais il ne sait plus où il a laissé sa voiture.

Si quelqu’un mourait ici d’un infarctus personne ne le saurait ! il resterait là. Mort ! 
Je souris intérieurement. Peut-être même extérieurement. Il râle assez fort pour que les rares passants en ce matin de semaine sachent ce qu’il pense. Depuis dix minutes on cherche sa voiture qu’il pensait avoir garée à cet étage du parking. Elle a été volée ! 

Roland est le demi-frère de mon père. Il n’est plus tout jeune.
Si je raconte cet épisode ici, c’est pour clore le récit de mes retrouvailles virtuelles avec mon grand-père. Mon oncle est la seule personne vivante, à part mon père, qui ait connu ce grand-père et qui pourrait m’évoquer, sinon l’homme, au moins un peu de ce monde passé.

Côte à côte, nous déambulons avec ma valise dans les aires grises et sans âme des parkings silencieux.

Je sens sa détresse qui monte. L’embarras. C’est peut-être aussi l’émotion de rencontrer sa nièce qui l’a distrait.
Je suis patiente, même si le décalage horaire se fait sentir – le vol Boston-Paris se fait toujours la nuit. Je suis partie tard la veille, mais j’ai dormi un peu dans l’avion.

Il a accepté la tâche que lui a proposé mon père, de me conduire de l’aéroport à la gare Montparnasse d’où je prendrai le TGV en direction de la Bretagne.
J’aurais facilement pu prendre la navette de l’aéroport mais mon père a insisté pour contacter son frère, lui confier une mission pour nous mettre en rapport. C’est la débrouille, le système D.

Finalement mon oncle se rend compte qu’il s’était trompé d’étage. On remonte dans l’ascenseur. Après une heure d’errance, gros soulagement.

Maintenant on peut faire la traversée de Paris.

Toutes les rues ont une histoire pour lui. Il me fait visiter une ville de carte postale que lui seul connait. Moi mes repères sont très différents : là où j’ai travaillé, là où j’habitais, mon studio rue des Batignolles, P&G à Neuilly, les quartiers où j’aimais me balader, les stations de métro. Evidemment, il y a aussi le quartier où je suis née, où j’ai grandi.
Mais son Paris à lui est peuplé de nos ancêtres.

C’est là que Rose, ton arrière-grand-mère tenait un atelier de repassage. Ici, ta grand-mère achetait des fournitures de peinture. Elle peignait.

Saint-germain : on allait de bar en bar, la nuit. Le but était de faire le plus de bars possibles.

Les cafés rutilants qu’il me montre sont des théâtres, scène et parterre, où se déroulent les drames et comédies de la vie parisienne. Il y a des étalages d’huitres, d’autres ont des stands de crêpe attenants. Rien de spécial, sauf si on vit comme le reste du monde, ailleurs.

J’aimerais réaliser un film de cette visite, pour moi-même. Parce que ma mémoire est pleine de trous. Pourquoi une telle richesse de passé et d’histoires familiales alors que j’aurai tout oublié dans quelques mois.

Mais bientôt on arrive à la gare Montparnasse. La gare des bretons puisque ses lignes desservent l’ouest de la France. Il y a la gare de l’Est, la garde du Nord, la gare St Lazare, et la gare Montparnasse. Les deux dernières me sont les plus familières.

A l’intérieur, il nous reste un peu de temps. Nous nous installons à une table de café parmi les voyageurs. On parle un peu de tout, mais au milieu de la conversation, il part sur un souvenir. Ça me rappelle ton grand-père Gabriel, je le revois… 
Je ne sais pas quoi dire.  Il me peint l’image du naufrage à la fin d’une vie qui ressemble à une course d’obstacles.

Je vois qu’il les revoit encore, ces images et qu’elles lui font toujours mal.
De plus en plus je comprends que la vie est faite de beauté et de laideur entremêlés, qu’on ne peut pas faire l’économie du malheur, de la maladie, physique et psychologique.
Je voulais remettre les pendules à l’heure, remettre en contexte la vie entière d’un homme, sans garder seulement le pire. Je vois plus clairement maintenant les contrastes, les zones d’ombre et de lumière. Ce jour-là, il me parlait de l’ombre. Je sais que ce n’était que contraste.

Recherche de toilettes : Regarde là-bas, ces sanisettes. Il y a un truc pour ne pas payer, je vais te montrer. 
Je ne sais pas si je dois le prendre au sérieux. Pourquoi éviter de payer deux euros pour ces nouvelles installations de toilettes autonettoyantes ? Mais je sens qu’il vit dans un autre monde, celui du passé, à la guerre comme à la guerre, un monde où il faut se jouer de l’adversaire, pour économiser des bouts de ficelle.
On dirait que d’autres petits malins ont déjà forcé la porte de la machine et qu’elle ne ferme plus entièrement.  Ce n’est pas de la délinquance, c’est encore du system D. Pourquoi payer pour pisser ? les hommes, de toute façon, n’ont qu’à trouver un angle sombre et le tour est joué. Mais pas ici quand même.

L’heure du départ approche. Encore sonnée par l’intensité des histoires qu’il m’a racontées, et par ma nuit de voyage, je marche à ses côtés jusqu’à la porte du train. A l’intérieur, j’aperçois des petites lampes sur toutes les tables du wagon restaurant. Une atmosphère confortable, intime s’en échappe.

Avril à Paris, les marronniers sont en fleur, mais il fait tout de même un peu froid. Il me dit « garde cette écharpe, je te la donne. »  J’enroule son écharpe autour du cou. J’ai gardé cette écharpe pendant longtemps.

Consulat Français

Je suis allée chez CVS, la pharmacie pour me faire faire ma photo de passeport. Au vu de toutes mes photos de passeport passées, je ne suis pas optimiste quant aux résultats. En général, ce ne sont pas des photos artistiques et mon ego en prend un coup.
Résignée, je m’assois devant l’écran blanc, sous les néons crus. Ne souriez pas me dis la jeune fille qui fait ce qu’elle peut, en bonne employée.

Je paie mes seize dollars et repars avec dans un étui de papier glacé l’image de mon visage actuel. Plutôt mugshot que portrait. Cruellement j’y détaille tous les défauts : sillon nasogénien dûment accentué par la lumière, le nez clairement en relief, contrastant avec deux yeux sombres enfoncés entre des paupières légèrement gonflées sur le haut, petits sacs sur le bas. J’ai ramené en arrière avec une pince mes cheveux, que j’ai laissé pousser pendant la pandémie. Mais comme dit maman sur Facetime : C’est joli si on te voit de côté.

Le consulat de France à Boston se trouve à côté du jardin central, Boston Common, à proximité des boutiques de luxe (Chanel, Armani, Cartier) qui bordent Newbury St. la shopping street par excellence. J’ai cherché une place de parking mais comme je suis en retard, je me rabats sur un parking payant sous-terrain, qui va me couter la peau des fesses. Mais ce n’est pas souvent que je fais renouveler mon passeport français.

Ça fait plus de vingt ans que ce passeport est périmé. Comme le temps passe vite. En fait, je n’en ai pas besoin, puisque j’ai un passeport américain, mais quelque chose me pousse à le renouveler. Pas de raison tangible cependant.

Contrôle stricte à l’entrée du Consulat. Après avoir montré ma carte d’identité US et prouvé que j’ai bien rendez-vous, je me retrouve au 7ème étage dans une salle d’attente minuscule, sans fenêtre. Il y a une femme assise devant un comptoir entièrement protégé d’une grande vitre. Elle répond aux questions d’un homme qui représente ce que tous les visiteurs ici désirent si ardemment (s’ils ne l’ont pas déjà), la nationalité Française. La femme, âge moyen, essaie de répondre dans son meilleur français mais il est clair qu’elle est américaine. Elle est venue faire une demande de passeport. Elle semble avoir tous les documents nécessaires : acte de mariage, photo, le chèque. Je sens sa nervosité, le trac. Au moment de prendre ses empreintes, l’homme derrière le comptoir s’énerve :
J’ai dit plat, les doigts.
Mais j’essaie…
Et puis ils sont mouillés, tenez, essuyez-vous les mains. –
Il lui passe une serviette en papier par la petite vitre qui coulisse.
Elle s’essuie les mains.
Non, ce sont vos empreintes, que je veux, pas toute la main !

Je sens l’anxiété de cette pauvre femme qui ne désire qu’une chose, le rêve Français !
Elle est si proche du but ! Elle se voyait comme sur les pubs qui décrivent la retraite en France. Ah, la France ! ses marchés, ses paysages, ses quartiers médiévaux, sa lavande en Provence.
Elle doit se coltiner la bureaucratie. Mais finalement, elle a gagné le combat et s’en va.

Je suis seule devant le comptoir vitré.
Vous avez tous vos documents ?
Oui, tout à fait. Sûre de moi, j’ai vérifié que j’avais bien suivi la liste.

Elle date de quand, la photo ?
D’hier.
Ah, ça c’est bien. Parfait.


Il ne m’a pas dévisagée pour voir si c’était vraiment moi. Sur la photo de l’ancien passeport, qu’il regarde, j’avais vingt ans de moins, les cheveux courts qui, ce jour-là, tombaient délicatement en boucles sombres autour de mes traits bien plus lisses.
Mais comme j’aime répéter à qui veut l’entendre ces temps-ci, vieillir n’est pas un privilège donné à tout le monde. Il faut apprécier.

Vous avez votre livret de famille ? ou un acte de mariage ? où figure votre nom de femme mariée, parce que là, j’ai seulement votre nom de jeune-fille.

C’est seulement à ce point que j’ai réalisé avec horreur que si j’avais pensé au fait que non, je ne souhaitais pas mon nom de mariée sur mon passeport français, pour la bonne raison que j’étais maintenant divorcée, j’avais oublié que je portais encore ce nom, et que toute ma vie américaine portait encore ce nom, qui était le mien depuis trente-et-un ans.

Là, devant le comptoir, il fallait que je décide, très rapidement, ce que je voulais faire : revenir avec mes preuves de mariage, ou compléter le processus d’obtention d’un passeport à mon nom de jeune-fille.

Toutes les considérations se mélangeaient à toute vitesse : est-ce que je ne ferais pas mieux de garder mon nom de mariée ? mon identité américaine était solidement ancrée avec ce nom. Toute ma vie d’après divorce. Le changer maintenant serait symbolique, un vrai coupage des liens avec l’homme qui avait été mon mari et restait lie à moi comme le père de mes filles.
Mais alors il fallait que je régularise ma situation des deux côtés de l’atlantique. Le même nom dans les deux pays.
J’allais devoir revenir avec les documents de mariage. La poisse.

De l’autre côté, il faudrait que je fasse une demande de changement de nom dans ma vie américaine. Est-ce que les femmes ne faisaient pas déjà cette démarche quand elles se mariaient ? C’était courant. Mais je pensais aussi aux possibilités d’erreur et de confusion dans les différentes organisations et administrations où figurait maintenant mon nom de mariée. J’avais maintenant plus de responsabilités et de possessions qu’une jeune mariée. La liste des organisations que j’allais devoir contacter me semblait interminable. En commençant par le fait que le contrat de divorce ne contenait pas de clause qui mettait noir sur blanc l’éventualité de ce changement de nom.
Je me suis entendu dire : Non, seulement mon nom de jeune-fille sur ce passeport.

L’homme a continué avec ses agrafes, ses dossiers, ses signatures et ses tampons, et ma prise d’empreintes digitales comme si de rien n’était. Je me suis imaginée espionne, avec deux passeports différents pour mieux brouiller les pistes de mes affaires criminelles internationales. Apparemment, s’il avait des doutes sur mes intentions, l’homme derrière le comptoir n’en laissait rien voir.
Prenez rendez-vous en ligne pour la remise du passeport avant qu’il soit prêt, ça vous évitera d’attendre.

Sur le chemin du retour, je mesurais l’étendue du problème. Peut-être que je l’avais voulu inconsciemment, ce pas en avant, ou plutôt cette émancipation à rebours et ce retour à mon identité de naissance.
Peut-être que le vent qui m’avait poussé jusqu’aux Etats Unis changeait de direction. Porter le nom de mon mari ne m’avait pas spécialement porté chance sur le plan de la réalisation personnelle, le développement de mes talents. J’avais été bien plus authentiquement portée par le succès dans ma jeunesse. Etudes, rencontres, quête spirituelle, je me sentais véritablement portée. Qu’est-ce qui m’empêchait de retrouver mes racines ? de replonger dans l’histoire de mes ancêtres et d’y puiser à nouveau la sève qui ne coulait plus aussi bien (me semblait-il) depuis que j’avais coopté une autre branche ?

A suivre…

DU POINT DE VUE DE ROMEO

J’m’appelle Romy. Enfin, c’est Romeo, mais on dit Romy pour faire court. Mes humains ont une chouette de baraque. Parce que là d’où je viens… brrr. J’préfère pas en parler.  Vous n’avez qu’à voir ma queue pour comprendre, enfin ce qu’il en reste. Et ouais, raccourcie, comme mon nom.  Le jour où elle est restée coincée dans le hayon arrière du camion de la poissonnerie du supermarché… j’préfère pas y penser. Taillée en carré. Avec une phalange articulée. Fallait le faire.  Tout ça pour des restes de poissons pourri dans le coin… Bref j’aime mieux rester chez mes humains.  

C’est-à-dire en attendant. J’ai plusieurs points de vue dans la bicoque. En général je me pointe avec ma longue vue pendant des heures. Dans la chambre par exemple, j’ai un bon angle sur le chemin de Crime-cat. Crime-cat c’est le crétin qui habite à côté. Il faut le surveiller celui-là. J’vous raconte : un jour y déboule devant la porte. Devant la porte c’est à dire devant le grillage anti-moustique. Y pouvait pas rentrer. Pas besoin de jumelles pour le voir. Je le sentais à plein nez. Et voilà qu’il se met dans l’idée de rentrer dans MA baraque ! Enfin la baraque de mes humains. On s’était déjà mis une bonne fligornée à distance,

mais il insistait !

Alors voilà qu’il s’attaque à la fenêtre de la salle de bain ! J’ai pas eu le temps de comprendre ce qui se passait et où il était passé qu’il avait crevé le grillage, avait sauté sur les toilettes, puis – alors là je ne sais pas comment – s’était fourré dans le séchoir à linge ! Moi je sifflais comme je pouvais ! Mais il restait là l’idiot. Comme s’il avait trouvé une cachette. Alors je suis allée alerter mes humains. Il n’y avait que la fille mais elle s’est rendu compte de la situation et elle a pris les choses en main. Pas bête. Elle a appelé les pompiers.

Lui, il gésissait là, tranquilos. Enfin je suis pas sûr qu’on dise comme ça. C’était entre gésier, dormir, et gémir. Et puis les pompiers sont arrivés avec leurs grosse bottes. Trois qu’ils étaient ! Moi j’faisais gaffe à ma queue, du coup. Ce qu’il en reste.

Et donc ils l’ont trouvé qui gésissait dans le séchoir au-dessus de la machine à laver. Pas exactement chafouin. Ils l’ont extrudé vite-fait bien fait. Puis ils l’ont remis dehors et il est reparti chez lui.

Mes humains ont réparé l’écran de la fenêtre. Enfin, tout ça me divertit.

Maintenant je l’observe du coin de l’œil. Mais sinon, moi, je m’installe à la fenêtre du salon. Je sais, je suis gâté  – des fenêtre dans chaque pièce, sans compter la porte…. neuf points de vue en tout.  

Donc je disais, je m’installe à la fenêtre du salon avec ma longue vue. Figurativement, la longue vue. Bioniques, mes yeux. Et j’attends là, Pourquoi ? parce que j’ai entendu dire que quand on est perdu le mieux à faire c’est de rester où on est et d’attendre qu’on vienne vous chercher, mais personne ne pensera à venir me chercher ici. 

Un jour j’ai cru voir de loin Kiki le Rouquin, mais c’était pas lui. Des fois j’y pense. J’y rêve. J’me réveille en sursaut. J’me rappelle des bons coups dans le camion du poissonnier avec Mario le Tatoué, Léo le Borgne, Toto l’Pompon. Le bon vieux temps. J’dis pas qu’c’était toujours idéal. Des fois on crevait de faim. Surtout en hiver.

ZZZZZ…

Puis j’me rappelle que j’suis bien planqué. C’est pépère. On m’donne mes croquettes. Y’a d’quoi se ramollir, et c’est pas plus mal. Puis je retourne à mes points de vue.
Mes humains, ils ne savent pas ce que je fais, ce que je guette. Oh, c’est pas Juliette. Non, Depuis mon « opération », j’suis plus l’même de toute façon. Et puis moi c’était plutôt Ginette. Juliette, elle préférait le Frisé, ou Bouboule.
J’pense à tout ça et puis je m’endors à moitié à chaque fois.
Des fois ça pétarade dans le brouillard et je me réveille.

Ah, on en faisait des vertes et des pas mûres avec l’Albinos et la Bigleuse, dans les ruelles avec les poubelles des restaurants, toutes alignées. Qu’est-ce qu’on se gavait ! Puis on se garait du panier à salade, i.e. la fourgonnette des borogoves. Y’avait Max l’échaudé, Pépé la Combine, Jenny Linsky même.

Et puis un beau soir d’automne… oh c’était beau !  tout flivoreux vaguaient les borogoves, les verchons fourgus bourniflaient, et la ruelle sentait bon le déchet de luxe.

Ouais, et ben on y est tous passés. Coup de filet. La raffle, quoi. On s’est retrouvés dans des cages à la SPA. Je revois encore Zoe la Rusée qui faisait moins la fière, et le Beau Momo tout flivoreux lui aussi. Moi, après quelques jours je me suis fait adopter. Je sais pas pour eux. Maintenant, je suis dans une cage dorée. J’peux pas me plaindre. Bouffe à heures fixes. Les humains ont besoin de moi, je vois ça. Pathétiques. Alors je fais c’que j’peux. Je ronronne. Et puis on s’attache.

Mais j’me pose à toutes les fenêtres, on sait jamais si …si Felix la Balafre ou le Voltigeur passaient par là … Les copains, j’vous oublie pas.

Bon, j’chais pas, vous, mais moi j’vais faire un p’tit somme.

* * *

Et voila ma contribution pour l’Agenda Ironique de Septembre se passe ici : https://poesie-de-nature.com/2020/09/02/agenda-ironique-septembre-2020/

DANSER SUR LA PLAGE EN TEMPS DE PANDEMIE : Méditation guidée

DANSER SUR LA PLAGE EN TEMPS DE PANDEMIE

(Méditation enregistrée…)
… Vous prenez une inspiration profonde …
vous expirez profondément… pffffffff
Vous vous sentez détendue… très détendue…

Maintenant, imaginez-vous à la plage … laissez aller le stress…
Pas de panneau pour un parking à 20 dollars de l’heure
Ou un autre “Uniquement pour les résidents, en raison de COVID19”
Il ne fait pas 40 degrés, donc pas besoin de parasol…
Vous ne risquez ni insolation… ni déshydratation… ni coup de soleil…
Cette plage n’est pas peuplée de pêcheurs avec leurs fines cannes à pêche,
Et leurs lignes de nylon invisibles dans lesquelles vous pourriez vous emmêler
Aucun moustique…

Vous êtes seule…

Sur votre peau, une légère senteur de Monoï
Le sable, la mer et le ciel se fondent en couches d’or
Comme dans un tableau de Vettriano
De fait vous êtes cette femme en robe blanche
Oh, et puis, vous laissez tomber la robe !
Dessous vous portez un bikini de déesse!
Assorti à votre corps de déesse comme sculpté dans l’argile,
Vous êtes légère, vous dansez, vous faites la roue,
vous riez, vous courez,
Dans le sable doré, vers l’horizon doré…
Vers le feu du soir
(Vous courez assez loin parce que c’est marée basse)

Vos doigts de pieds touchent l’eau tiède
Vous éclaboussez partout comme un chien fou !
Vous avancez plus avant dans l’eau tiède mais fraîche
et maintenant vous brassez cet or liquide
où vos bras font des paillettes
Rien ne peut vous arrêter!
Vous nagez dans le bonheur!

Vous nagez longtemps!

Maintenant, vous regagnez le rivage, vous ramassez votre robe
Et marchez légèrement vers l’Hôtel des Flots bleus
Perché en haut des dunes

Maintenant, je compte 1..2..3… (claquement de doigts)…
vous vous réveillez
Faites bouger votre doigt, vos orteils… Réintégrez votre corps…
Souvenez-vous en ouvrant les yeux
Que c’est toujours la pandémie, que vous êtes enfermée chez vous
Et que vous n’avez pas besoin de porter votre masque !
Et rappelez-vous que vous pouvez revenir à cette plage
Quand vous le voulez…
Plus tard, à chaque fois que vous sentirez le Monoï,
Vous vous sentirez
Comme vous vous sentez maintenant.

***

Voici ma participation à l’Agenda Ironique d’Août organisé ce mois-ci par Max-Louis Iotop
https://ledessousdesmots.wordpress.com/2020/08/01/agenda-ironique-daout-de-lan-2020/

Il fallait parler de « plage » et placer les mots suivant : flot, argile, perche et Monoi

Photo by Travis Rupert from Pexels

POMMES – #15/20

Dossier Haricots Verts: Pommes -# 15/20

Mes chères filles,

Les soirs où mon père n’était pas là, mes deux frères et moi nous asseyions à la table de la cuisine aux murs orange. Ma mère devant la cuisinière touillait dans deux grandes casseroles.

Dans l’une du riz au lait, et dans l’autre de la compote de pommes.

Le riz au lait était une masse épaisse et gluante de grains moelleux dans une base crémeuse et sucrée. Ma mère cuisait du riz rond intégralement dans le lait, sans le faire bouillir à l’eau au préalable comme dans la plupart des recettes. Cette cuisson demandait presque une heure complète d’attention constante pour que le lait ne s’évapore pas trop vite et que le riz ne colle pas au fond de la casserole. J’aimais regarder comme au dernier moment, elle ajoutait le sucre, et la transformation subtile de la couleur et texture de l’ensemble d’un blanc crème à un ivoire plus soutenu et légèrement plus translucide.
Puis ma mère nous le servait en grosses louches sur une assiette à soupe. Il était si riche que même au goût d’un enfant, il devenait écœurant après les premières cuillerées. A côté, elle nous servait de la compote de pommes maison à la texture acide. Les deux revenaient régulièrement au menu parce que ma mère trouvait dans la combinaison un équilibre de nutrition et d’économie.

La compote de pommes qui cuisait dans la casserole était faite des pommes que nous avions ramenées du jardin de mes grands-parents, à quelques heures de là, en Bretagne. Depuis que nous avions déménagé à Nantes, nous y allions régulièrement. La modeste maison bretonne avait été construite par mon arrière-grand-père sur une butte à la fin d’une rue qui finissait par des bois. Un long escalier en ciment menait à sa porte. La maison était orientée perpendiculairement à la route et faisait face à un jardin fortement incliné vers la route. Il s’y trouvait un banc de pierre ou mon grand-père s’asseyait, une fois à la retraite, pour regarder le monde tourner. C’était le jardin civilisé où mes grands-parents cultivaient des dahlias et d’autres fleurs impressionnantes. Un autre escalier plus court montait vers le jardin du haut, sauvage ou courraient les poules et poussaient quelques arbres fruitiers.

Ces pommes venaient de ce jardin du haut aux touffes indisciplinées d’herbes drues que picoraient les poules et qui n’avaient jamais vu de jardinier. Leur goût était celui du vieil arbre abîmé qui poussait tout près de la haie qui séparait le jardin de mes grands-parents de celui du voisin. Déjà véreuses sur l’arbre, elles avaient rarement la chance de mûrir avant de tomber au sol, en partie à cause du temps notoirement pluvieux de Bretagne, en partie à cause de la mauvaise terre, fertilisée uniquement par les cailloux et la fiente des poulets, et aussi en partie à cause de la race douteuse de l’arbre sur lequel elles poussaient. À l’automne, avec un zèle qui m’intriguait, ma mère rassemblait celle qui étaient tombées de notre côté de la haie, piquées, meurtries, percées par les oiseaux ou à moitié pourries, tant qu’elles n’étaient pas trop fermentées. Elle prenait également celles d’un vert jaunâtre un peu plus clair qui étaient encore pendues à l’arbre. Nous chargions la voiture de sacs entiers de ces fruits douteux qu’on ne trouverait dans aucun supermarché, au goût fade et acide qui correspondait à leur couleur. C’étaient des pommes de toute les manières, et pour rien au monde ma mère ne les laisserait se perdre.

De retour dans notre cuisine, elle en épluchait une douzaine à la fois, les coupait en morceaux et les faisait cuire dans une grande casserole avec un peu d’eau jusqu’à ce que leur chair se dissolve en une bouillie brun clair. Elle ajoutait alors environ un verre de sucre pour l’adoucir. La cuisson ne faisait pas grand-chose pour en améliorer le goût et le résultat était principalement aussi acide que le fruit cru. La compote était grossière, pleine de morceaux inégaux, et presque brune selon le degré de maturité des pommes. Plus les pommes étaient vertes, plus la compote était foncée. Le sucre ajouté à la fin fonçait encore plus sa teinte.

J’avalais cette compote, pourtant, avec un mélange d’admiration pour la débrouillardise déterminée de ma mère, et une sorte de tristesse liée au caractère de l’endroit tel que je le voyais. Dans cette compote je goûtais ma perception de l’acidité inutile des rapports de voisinage, des ragots de ma grand-mère, la douleur du suicide de mon oncle, et l’image des personnages qui hantaient le voisinage. Il y avait Marcel, le fils handicapé-mental de la femme qui habitait de l’autre côté de la haie, un petit bonhomme maigre au visage pincé sous sa casquette, qui s’enfuyait régulièrement sur ses jambes chétives couvertes de pantalons à carreaux, marionnette rigide mais étonnamment agile, dans le champ de l’autre côté de la route, jusqu’à ce que sa mère, Simone, commence son appel du Muezzin :  Mar-cel, Mar-cel avec l’accent épais de cette partie rurale de la Bretagne. Et il y avait Gérard, l’idiot du village qui poussait son ventre en avant sur la route en sifflant, passant tous les jours devant la maison de mes grands-parents à la même heure, comme un rappel quotidien du sinistre et de la folie de la vie. Il y avait également les enfants des maisons nouvellement construites plus loin, de l’autre côté de la route, machant du chewing-gum, faisant vrombir leurs cyclomoteurs en passant devant la maison dans leurs jeans serrés. Les commentaires de ma grand-mère que ces enfants mal-élevés n’arriveraient pas à grand-chose dans la vie.

Il existait, en contraste, un autre type de compote, celui qui remplissait les chaussons aux pommes. Cette compote à la couleur claire et uniforme avait une consistance veloutée et lisse qui fondait sur la langue. Trop bonne pour être honnête, elle avait l’acidité précise des pommes idéales, le même goût, aussi parfait qu’artificiel qu’on trouvait dans le jus de pomme en bouteille. Elle s’échappait du chausson tiède et croustillant, ou des pommés tout juste sortis du four que ma grand-mère achetait pour nous : deux dalles de pâté feuilletée, le dessus taillé en un treillis astucieux et glacé de gelée d’abricot. Elle jaillissait, exquise et satinée de dessous les tranches parfaites de la tarte aux pommes à la pâte beurrée.

On trouvait ce type de compote en boîtes de conserve dans les supermarchés. Elle était servie dans les cafétérias des écoles dans de petits ramequins individuels, accompagnée de quelques galettes ou de sablés au beurre.

Ma mère, qui n’y voyait rien de la misère que j’y décelais, préférait bien sûr et de loin le fruit de ce glanage providentiel dans le jardin de son enfance, terrain familier et chéri. De plus sa génération, grandie pendant et après la guerre avait appris à ne rien se laisser gåcher, à apprécier ce qu’offrait gratuitement la nature. Ainsi nous allions cueillir des mûres, ramasser les chåtaignes, ou les coques à la plage, qu’on ramenait par seaux entier. C’était autant de gagné sur le reste monde.

De nos jours, je fais un dessert proche de la compote de ma mère. Tout en étant complètement différent. Pour mon Apple crisp, j’utilise des pommes du supermarché, des pommes sans bagage émotionnel, des fruits parfaitement calibrés qui n’enverront personne voir le psy. Nous avons aussi souvent cueilli des pommes a la ferme locale, mais le seul bagage émotionnel pour mes enfants sera probablement le souvenir de beaux après-midis d’été passés dans les vergers. Mais qu’en sais-je.

J’achète un mélange de farine, sucre et flocons d’avoine. Je combine avec cinq cuillères à soupe de beurre pour obtenir un mélange friable, puis je saupoudre le tout sur les tranches de pommes. Ici, les MacIntosh et les Cortland sont les plus parfumées, mais je suis toujours curieuse des résultats d’autres types. De temps en temps, j’ajoute des noix hachées au mélange de farine, ou je glisse une banane tranchée parmi les pommes. Tout fruit fonctionne. Sauf les tomates.

Illustration: The graphicsfairy.com

LE COCHON – #14/20

Dossier Haricots Verts : Le Cochon – #14/20

Mes chères filles,

Bien avant l’apparition du supermarché au coin du village, il y avait la Coop, minuscule épicerie selon les normes actuelles, mais qui à l’époque était le centre du village. Avec la Poste.
Les autres boutiques, boulangerie, poissonnerie, boucherie, charcuterie, fruits et légumes s’alignaient le long de la rue principale en boucle. La vie sociale du village se passait dans ces magasins, les échanges de nouvelles, les commérages avec les rencontres de connaissances. C’était un petit village où tout le monde se connaissait.

Le matin, ma grand-mère prenait quelques filets ficelles qui s’élargissaient lorsqu’ils étaient remplis de sacs de papier, et s’élançait sur la route du village pour faire le tour des magasins.

Il aurait été plus logique de suivre la route principale, la rue Marx Dormoy qui montait jusqu’à la l’entrée du village qui culminait par une église pittoresque, puis descendait brusquement vers la place du bureau de poste, point central. Mais ma grand-mère préférait prendre un chemin de terre qui commençait en face de la maison et coupait à travers un bois jusqu’à une autre route. En été, le chemin disparaissait sous la végétation. En vacances, parfois je l’accompagnais avec un peu d’inquiétude : sous les arbres, à côté du lavoir, se trouvait un trou rempli d’eau noire, une source naturelle entourée d’un cadre de bois. Le lavoir lui-même était un grand bassin où ma grand-mère et les femmes du village venaient laver leur linge. Son eau était bleutée, opalescente de savon de Marseille – ce lavoir ne me faisait pas peur. Mais le petit bassin de la source était d’un noir profond, sa surface une scène où jouaient araignées, lucioles et libellules, et je croyais que des fées et autres êtres magiques y habitaient. Trainant autour, mine de rien, pendant que ma grand-mère battait et frottait les draps sur sa boîte à savon en bois avec les autres femmes, jetant des cailloux pour voir, je savais que si je tombais dans cette fosse noire sans fond, les êtres maléfiques ne me laisseraient pas remonter.

Mais lors des courses du matin, je tenais la main de ma grand-mère et nous sortions de l’autre côté du fourré avec des chaussures mouillées de rosée et des semelles boueuses. Nous suivions ensuite une longue route incurvée autour du bas de la colline, et atterrissions au même point central, la place de la poste.

Ma grand-mère commençait sa ronde par la boulangerie, la poissonnerie, la boucherie, puis le magasin de fruits de Mme C., qui vivait parmi des caisses en bois de bananes, de pêches et de melons. Elle savait tout ce qu’il y avait à savoir sur leur origine et leur qualité.

Mme C. nous racontait qu’une tarentule égarée, une créature à fourrure s’était glissée un jour hors d’une de ces caisses remorquées dans des cargos de partout dans le monde.

Elle nous racontait qu’afin de perdre du poids, elle était allée faire une cure de fruits pendant une semaine. Elle croyait fermement aux vertus détoxifiantes des fruits et qu’elle bénéficierait là de toute leur valeur nutritive dans des conditions optimales. C’était très logique pour un marchand de fruits. Mais quand elle était revenue, elle avait constaté qu’elle avait pris quelques kilos.

Après cet arrêt, nous grimpions la colline pour entamer le chemin du retour. Un peu plus haut se trouvait la charcuterie de Mme B. flanquée du magasin de lingerie et dentelles.

Annoncées par le carillon de la porte, nous pénétrions dans une puissante senteur d’ail et de poivre blanc provenant de la mortadelle et du saucisson à l’ail, prolongé par l’odeur plus forte de l’andouille fumée de Guémené, et suivi du gras poivré de rillettes et des autres épices utilisées dans les pâtés et terrines.

Mme B. apparaissait de derrière une porte en verre granulé, aussi dodue et rose qu’un petit cochon elle-même, souriante, manches retroussées et tablier blanc soigné. « Et qu’est-ce que ce sera aujourd’hui ? » demandait-elle de sa voix au couinement unique.

« Auriez-vous de la mortadelle ? » Elle regardait sur ses étagères et parfois disparaissait à nouveau derrière la porte de verre granulé. Comme elle souriait toujours, elle me semblait la plus heureuse des femmes, un peu comme Cendrillon dans son château. Attendant près de la blonde glamour des chips Flodor, j’imaginais derrière la porte un royaume féerique tout en rose, des chaudrons bouillonnant de mélanges parfumés, un monde plein de pots de rillettes, jambons, et saucisses géantes en préparation. Un atelier magique où tout était en devenir, d’un rose lisse, frais et fondant.

Elle réapparaissait avec les morceaux de charcuterie et coupait des tranches qu’elle empilait sur une feuille de papier glissant à l’intérieur, et rose à l’extérieur, imprimé au nom du magasin.

J’ai souvent essayé d’identifier l’ingrédient qui rendait cette charcuterie plus fraîche, un peu plus acidulée que toutes les autres. J’ai pensé que c’était du poivre blanc, puis du poivre noir. Mais j’ai dû abandonner. Elle avait la combinaison magique.

* * *

Un jour, en rentrant à la maison mon père avait annoncé qu’il avait acheté un demi-cochon. Achat impulsif qui n’était pas explicable, sauf par le fait que son travail de vendeur de voiture le menait de ferme en ferme en Bretagne, et qu’il était régulièrement confronté à ce genre de réalité.

J’attendais de voir une bête tranchée en deux : un demi-museau, un œil, une moitié de tout, jusqu’à la légendaire queue bouclée. Finalement, après quelques semaines, la livraison était arrivée, mais au lieu de la coupe latérale, ce qui sortait du coffre était en morceaux emballés dans des sacs en plastique et des feuilles d’aluminium. Les paquets étaient allés directement au congélateur. Mais le plaisir avait commencé peu de temps après.

Mon père nous avait brièvement raconté la cérémonie du meurtre, les couinements atroces dans la cour de la ferme. Il avait décrit le sang de l’animal fraîchement abattu versé dans un chaudron et porté à ébullition sans attendre, l’ajout d’oignons, d’épices et de morceaux de graisse selon la recette locale, comment le sang coagulait, épaississait progressivement en une substance crémeuse noire qu’on versait dans un boyau noirci. Le produit fini avait la circonférence d’un poignet humain. Pour la première fois, j’avais été confrontée à la dure réalité des origines de la délicatesse familière du boudin.

Il y avait des morceaux faciles, comme les rôtis, côtelettes, qui ne demandaient pas beaucoup de travail, mais il y avait d’autres morceaux qui devaient être transformés en saucisses, pâtés, et autres charcuteries. Bien sûr, la tåche avait été impartie à ma mère. Elle avait relevé le défi avec son sens du devoir habituel mélangé à la curiosité et l’inquiétude. Mais à ce stade de sa vie, elle avait assez développé son intérêt et ses compétences en cuisine pour ne pas être complètement débordée.

Le robot culinaire qu’elle utilisait pour râper les carottes et trancher les concombres ne faisant pas le poids, il avait été relevé de ses fonctions et remplacé par un broyeur de viande en métal lourd bien vissé à notre table de cuisine. Ma mère avait appris à y enfiler des morceaux de porc, et de son bec sortaient des rubans roses qu’elle mélangeait avec de la graisse, de l’ail et des épices pour en faire des saucisses.

Rapidement, nous avions constaté que tous les morceaux de viande étaient plus ou moins couverts d’une graisse tenace d’un jaune légèrement teinté d’un vert étrange mais défini. Cette graisse avait commencé à infiltrer les surfaces et comptoirs de la cuisine, les appareils, jusqu’aux murs, au fur et à mesure que pâtés et terrines apparaissaient sur la table. Presque tous les jours, ma mère calculait, selon des recettes, les proportions de foie, de rognons, de viande et de graisse qu’elle mettait dans la machine. Comme une scientifique acharnée, elle essayait de nouvelles combinaisons, de nouvelles températures de cuisson, pour améliorer ses résultats. L’un après l’autre, elle sortait du four des terrines, des påtés que nous comparions l’un à l’autre. Bref, pendant des mois nous avions mangé beaucoup de porc.

Les résultats de ma mère, bien que respectables à bien des égards, n’étaient pas spectaculaires. Ils n’avaient rien de la douceur rose, la fraîcheur fondante des produits de charcuteries. Nos saucisses maison étaient plutôt sèches et grises, et les pâtés et terrines, similaires mélanges friables certes parfumés de diverses combinaisons d’ail et d’épices, mélanges de thym et de sauge, ajout de cognac, de feuilles du laurier de notre jardin, ne ressemblaient pas vraiment à ce qui sortait des étagères réfrigérées de Mme B.

Ma mère avait relevé le défi, mais nous étions tous surtout soulagés lorsque la source intarissable des morceaux enrobées d’aluminium que nous allions pêcher dans le congélateur avait commencé à diminuer, puis s’était tue.

Illustration: https://thegraphicsfairy.com/vintage-pig-image/

INTERLUDE NOSTALGIQUE

300px-Johannes_Vermeer_-_Het_melkmeisje_-_Google_Art_Project

INTERLUDE NOSTALGIQUE

Je voudrais vivre dans une pub des années soixante dix
Une pub de lessive qui sentirait la lavande
(le travail serait déjà fait, les draps pendraient dans la brise du soir)
Les couleurs technicolor seraient un peu passées,
Un peu fondues
Il y aurait des laitières qui vendraient du yaourt
Dans des clair-obscurs paisibles
Des Mère Denis qui glisseraient sur des tables cirées
Des pâtes Lustucru
De la purée Mousline
Il y aurait des chaussures Eram, tons orange et marron
Que je pourrais acheter avec mes sous d’aujourd’hui
J’aurais des jupes flottantes
Et peut-être même des collants Dim.
Il y aurait des bambins qui courraient le long des couloirs avec des rouleaux de papier toilette
Et des amis dans le salon
Et on boirait peut-être du Nescafé.

Ici et maintenant, le temps presse
Tout le temps
Pas le temps de se reposer dans les lumières feutrées
Du fini
On est assis sur le rebord tranchant du temps

Je ne regarde même plus la télé depuis qu’il y a trois-cent chaines
Et puis on y vend des choses pointues, métalliques
Pour que les choses aillent encore plus vite
Des ordinateurs gris-acier dans des décors aux tons acérés

Avant les choses étaient plus simples
Comme du pain, du vin, du Boursin
Et si on aimait ça, la Ricorée le matin.

Je n’y pense pas souvent, mais je les ai revues sur YouTube, ces pubs, et ça m’a fait l’effet détente d’une séance de massage + un bain Obao. J’aurais bien aimé, mais je n’ai pas pu les caser : les petits pois Cassegrain, les Fingers de Cadbury, les crackers Belin, le Crunch…

* * *

NOSTALGIC INTERLUDE

I would like to live in a seventies commercial
that sells lavender-scented detergent
(The work would already be done, sheets hanging in the evening breeze)
Technicolor tones would be slightly faded,
A little hazy
There would be dairy women selling yoghurt
In peaceful chiaroscuro
Mother Denis slipping on polished tables
Lustucru pasta
Mousline purée
There would be Eram shoes in orange and brown tones
Which I would buy with my current money
I would wear floating skirts
And maybe even Dim tights.
There would be toddlers running along corridors with toilet paper rolls
And friends in the living room
And we might be drinking Nescafe.

Here and now, time is pressing
All the time
No time to rest in the soft-focus
of the finished
We sit on the sharp edge of time

I do not even watch TV anymore with its three-hundred channels
Where they sell hard, metallic things
For things to go even faster,
Cutting-edge computers in steel-gray decors.

Before, things were simpler
Like bread, wine and Boursin
And if we liked that, Ricorée in the morning.

These commercials are probably not known to English speakers, although I don’t know. There could be equivalents. I don’t think about this very often but saw some again on YouTube, and the effect was that of a relaxing massage. I would have liked, but I could not fit them: Cassegrain peas, Cadbury Fingers, Belin crackers, Crunch chocolate bars …

Illustration : Vermeer, La laitière. Rijksmuseum, Amesterdam

POKER FACE

Poker face

POKER FACE

This morning, when putting on one of my boots
I felt something stuck inside
it was one of my cat’s toys
A bird that chirps

I pulled it out from the bottom,
and a feather fell out
On the floor

My cat was looking down at me
From the top of his perch
With a poker face.

Not a giggle
Not a smile
So I wondered
If it was really him

It may have been an accident
(like life on earth)
Or my daughter
But she is not here

Who else ?

It had to be him
Maybe he was laughing inside
About his fine joke
hahaha!

Or maybe it was a small gift to me
How to know for sure?
Cats only have one expression

In the absence of certainty
I told him I enjoyed his gift
And I also laughed out loud
For good measure.

He was still looking down at me
From the top of his perch
With a poker face

To thank him,
I went to get the catnip
Like every morning

Also…
I can’t wait till he finds tomorrow
This little poem I leave here for him!!

* * *

POKER FACE

Ce matin j’ai trouvé dans une de mes bottes
Coincé au fond
Un des jouets de mon chat,
Un petit oiseau qui faisait cuicui

Je l’en ai sorti et une plume est tombée
Sur le plancher

Mon chat me regardait
Du haut de son perchoir
avec un regard impassible

Pas un sourire
Pas un hahaha !
Alors je me suis demandée
Si c’était vraiment lui
Ou si c’était un accident
(comme la vie sur la terre)

Ou bien encore ma fille ?
Mais elle n’est pas là

Qui d’autre ?

Ça devait être lui
Peut-être qu’il riait à l’intérieur
De sa bonne plaisanterie

Ou peut-être que c’était un petit cadeau surprise
Comment savoir à coup sûr?
Les chats n’ont qu’une seule expression

En l’absence de certitude
Je lui ai dit que j’appréciais son cadeau
Et j’ai bien rigolé
Pour la bonne mesure.

Il m’observait toujours
du haut de son perchoir
Sans rire ni sourire

Alors pour le remercier,
Je suis allée chercher l’herbe à chat
(Comme tous les matins)

Et puis…

La tête qu’il va faire
quand il va trouver
Ce petit poème que je laisse ici pour lui!!

Romeo 3

 

CARTE POSTALE

Carte postale de la salle d’attente du département de radiographie d’un petit hôpital de la Nouvelle Angleterre

Je devais revenir pour un diagnostic, ce que je repoussais et repoussais et repoussais encore. Finalement, j’ai cédé. J’ai pris rendez-vous un beau jour dans un accès de productivité. Je n’avais pas vraiment peur, et je ne sentais pas l’urgence non plus, n’empêche que ça me pesait un peu comme une sourde menace, de ne pas avoir fait ce qu’on attendait de moi. J’en ai eu, des biopsies. Même avec anesthésie locale, sur table d’hôpital, il y a vingt ans. Le médecin m’avait dit en mettant les derniers points de suture : « Enjoy ! »
Après ça, je n’ai plus eu l’occasion de me faire ouvrir le sein (il faut bien en parler, ce n’est pas drôle). Heureusement. Mais de temps à autre, il faut revenir, parce qu’ils voient mal quelque chose. Donc je retourne, je me refais écraser les chairs, et puis au final, fausse alerte.

En ce beau matin de Janvier, ciel bleu sans nuages.
Je suis un peu en avance, mais le personnel est là. Dans la salle d’attente bien chauffée, des magazines sur les petites tables entre les chaises.
Je fourre mon sac et ma doudoune dans le petit casier et j’enfile un petit haut de coton vert cru léger et ample, qui s’ouvre sur le devant. Je rejoins une autre dame assise sur une chaise, vêtue du même costume.
La salle d’attente est ensoleillée, avec toute une vitre qui donne sur la neige encore fraîche dehors, et quelques voitures.
Ceci prend l’air d’une mini-aventure dans mon quotidien bien réglé : départ tôt le matin, autoroute, bureau pendant huit heures, autoroute dans le noir, puis maison.
Je jette un coup d’œil sur les magazines. Je n’achète plus de magazines depuis longtemps. Je ne sais plus quand.

People mag, couverture trash, photos de soi-disant stars dont je n’ai jamais entendu parler. Bon, parfois je regarde. Mais quel gâchis de papier, quel gâchis d’énergie pour tout le monde.

Là, je prends Glamour (couverture bof), et tiens, un Pregnancy, pour me replonger dans la jeunesse et les grossesses. Surtout pour voir comment le monde et la mode ont évolué. Il y a tout un art pour mettre en valeur un ventre rond. Pas que mon ventre soit exactement rond, mais c’est pour sortir un peu des clichés : maigre, ou Taille plus. Quand on sort des sentiers battus, il peut y avoir de jolies trouvailles.
… toute une page de nouvelles pompes à lait… des conseils de celles qui sont passés par là, des remarques rassurantes, ou bien le contraire : ”pour moi la péridurale a été bien plus douloureuse que les contractions… » Franchement, est-ce qu’elles ont besoin de toutes ces obsessions avant un accouchement ? Est-ce que donner naissance ne devrait pas être un évènement naturel ? Maintenant que nous pouvons, avec les médias, les magazines, les fabriquant de matériel, de vêtements, de médicaments, on en fait tout un magazine. Oui c’est vrai, moi aussi, je suis passée par là. Est-ce que je n’avais pas envie de tout lire pour être préparée à mort ?
Si. Donc je ne peux rien dire. Mais je suis bien contente d’être une ancienne. Le prochain bébé que je tiendrai dans mes bras sera celui d’une de mes filles. Rien qui me tente côté habillement (des collants jaunes ?), je ne rate rien.

Prochain magazine, Glamour. Non, franchement, ça ne me parle pas. Une fille en robe imprimée de graffiti criards. Le magazine du dessous pas plus attirant, trop de blanc et de doré.
Sur la table d’à-côté, par contre, un magazine Elle version américaine, plus épais, couverture plus sombre. Un peu plus de profondeur.
Je feuillette.
Pas mal.
Maquillages : peau clair, rouge à lèvres rouge vif…. Oui… pas mal, surtout dans le magazine.
Aghrr : une fille, mais je dis bien une fille, l’âge de ma fille, 13 ou 14 ans, assise sur une banquette de voiture, pour vendre une crème anti-rides. Peut-être que le plus vieux truc de marketing marche encore.
Je tourne la page.
Une jeune femme aux cheveux mi- longs, teint pâle, rouge-à lèvres rouge-vif elle aussi dans une chemise ample à rayure (je sais, le truc de la chemise blanche de base Vogue) et un jean. Celle-là retient mon attention. Et puis en m’attardant, mes yeux filent vers le bas. Je lis « La parisienne .» Et voilà ! Pas étonnant, j’avais inconsciemment reconnu mes racines : le teint pâle qui s’assume et ne se cache sous aucun bronzage, les traits de crayon fins et légers, le chic simple et discret, avec l’élégance d’Audrey Hepburn. Je me donne mentalement une petite tape sur le dos pour me féliciter d’avoir passé le test.

Et puis après, haha, Brigitte Macron. On la voit avec son mari, bras dessus, bras-dessous, dans la cour de l’Élysée, comme s’ils allaient acheter une baguette ensemble à la boulangerie du coin.
Elle porte (je détaille parce que c’est important, on est dans un magazine de mode) : un jean, et une sorte de veste. Enfin je vois surtout le jean. Comme elle a de longues jambes… Bon, je ne vais pas copier le style, mais ça me rend toute heureuse de voir ce couple ici dans la salle d’attente du département de radiographie de l’hôpital de ma petite ville de Nouvelle Angleterre.
Voilà. J’avoue. Moi aussi je suis sous le charme de Brigitte Macron. Je la trouve belle. Quelle personnalité ! Quelle allure ! Quel style ! Mais comment fait-elle pour avoir ces cheveux-là, ce teint-là ? Ce sourire !
Je veux vieillir comme elle, si ça peut s’appeler vieillir.
Je commence à lire l’article, en me disant que je vais être obligée de chouraver le magazine si je n’ai pas le temps de finir.
Il y a une télé au mur qui m’empêche de me concentrer sur les paroles de Brigitte. Elle dit : « Non, je ne me sens pas comme une First Lady. C’est un terme américain, ça. D’ailleurs, je ne suis ni la première, ni la dernière. Et puis je ne suis pas une Lady. »
Ça sonne juste. Si j’étais à sa place, je ferais la même chose.

Interruption pour ce pour quoi je suis venue. J’espère que quelqu’un d’autre ne va pas prendre la magazine que je laisse sur la chaise.

Ouch !
Stop breathing.
Breathe
Now turn around

Ouf, le magazine est toujours là à la bonne page.
Elle parle de son mariage, bien sûr. Elle s’émerveille aussi, comme nous.
Ses livres de chevet ? Rimbaud, Baudelaire, et Flaubert : Mme Bovary.
Peut-être qu’elle raconte ça à l’intervieweur pour l’audience Américaine qui reconnaitra facilement ces œuvres ? Peut-être. Enfin, je veux bien la croire. Ça lui va bien, très classique. Ça me va très bien aussi.
Je soupire d’aise. C’est bon quelquefois de se sentir française quand on est dans une salle d’attente pour une mammographie dans un petit hôpital dans une petite ville de la côte Est des Etats-Unis.
Maintenant que j’ai fait une petit tour à l’Elysée, je tourne la page.

Parfois il y a des histoires vécues intéressantes. Celle- là, je ne sais pas si je vais la lire. Le titre attire mon attention tout en me repoussant, mais la présentation noir et blanc m’attire quand même. «”What It’s Like To Pay For Sex For The First Time.”
Oui, au fait. Les hommes ont toujours fait ça. De quoi ça a l’air, de l’autre côté ? Tiens, ça me rappelle quand j’étais mariée (il me semble que j’avais pensé à quelque-chose comme ça.)
Alors je lis.
La fille n’y va pas par quatre chemins.
Elle raconte ça assez vite (ça tient en une page) et elle ne s’embarrasse pas de trop de scrupules. Elle teste pour nous, alors je la suis dans la folle équipée.
Humm. Alors c’est comme ça que ça se passe ?
Deux ou trois détails : oui, ils s’embrassent. A un moment il y a le mot « tendrement. » Et puis quatre orgasmes : trois pour elle et un pour lui. Bon. Et puis après il part comme il était venu. L’expérience lui a quand même coûté mille dollars en tout. Elle dit que ça lui donne un petit secret, un peu plus de confiance en elle.

C’est à ce moment-là qu’on me rappelle pour voir le radiologiste.
La tète encore pleine de ce monde quand même alternatif, où l’expérience traverse des frontières très privées, je me présente en tenant mon petit top vert mal fermé. Vulnérable.

« Alors… ce que nous voyons… ce sont des choses bénignes… il faut revenir dans six mois. »

Bon. Soulagement quand même. Je quitte la salle d’attente ensoleillée, l’Elysée, la chambre expérimentale de la fille aventureuse, et je retourne au bureau et à ma vie quotidienne.
Presque des petites vacances.

* * *

Postcard from the Waiting Room of the Radiography Department of a Small Hospital in New England

I had to come back for a diagnosis, which I had pushed back again and again. I finally gave in and made an appointment one unusually productive day. I was not really scared, and did not feel any urgency, but the idea of not doing what was expected of me hung over me like a threat. I had biopsies in the past. One with local anesthesia, on a surgery table, twenty years ago. “Enjoy! ” the doctor had told me while putting in the last stitches.
After that, I no longer had the opportunity for open-breast surgery. Thankfully. But from time to time I had to come back because they saw something on the mammogram. So I went back, let them squeeze my flesh, and it was a false alarm every time.

Today is a beautiful January morning, blue sky and no cloud.
I’m early, but the staff is already here. In the well-heated waiting room I glimpse magazines on small tables between chairs.
I stuff my bag and my jacket in the narrow locker and put on a loose-fitting bright-green cotton top opening on the front, then join a lady sitting on a chair wearing a matching outfit.
The waiting room is sunny, with windows looking out on the still fresh snow outside, and a few cars.

This feels like a mini-adventure in my well-ordered daily life: early morning departure, highway, office for eight hours straight, highway in the dark, then home.
I take a look at the magazines. I do not buy magazines anymore. I don’t remember when I stopped.

People mag, trashy cover, pictures of so-called stars that I have never heard of. Sometimes I have to settle for it when there’s nothing else. But what a waste of paper, what a waste of energy for everyone, I think very loud.

Today, I pick up Glamour (OK cover), and Pregnancy mag, to return to my youth and its pregnancies. Mostly to see how the world and fashion have evolved. There is an art to highlight a round belly. Not that my belly is round, but I am tired of the “skinny, or plus size” clichés. When you think outside the box, there can be some nice finds.
… a whole new page of new milk pumps … advice from those who have been there, reassuring remarks, or the opposite: “for me the epidural was much more painful than the contractions …” Frankly, do they need all these obsessions before a delivery ? Should not giving birth be a natural event? Now that we can, with the media, magazines, equipment manufacturers, clothing, pharmaceutical industry, we make it into a magazine. OK, so I too have been there, reading everything to be prepared to death.
So I can’t say anything. But I am very happy to be past this. I think the next baby I hold in my arms will be one of my daughters’. Nothing tempts me on the clothing side (yellow tights?), I do not miss anything.

Next magazine, Glamour. No, frankly, it does not speak to me. A girl in a bright graffiti print dress. The magazine underneath isn’t more attractive, too much white and gold.
On the side table, on the other hand, lies the American version of Elle, thicker, darker cover. A little more depth.
I leaf through.
Not bad.
Makeup: light skin, bright red lipstick …. Yes … not bad, especially in the magazine.
Aghrr: a girl, but I mean a girl the age of my daughter, 13 or 14, sitting on the back of a car, to sell an anti-wrinkle cream. Is the oldest marketing thing still working?
I turn the page.
A young woman with medium-length hair, pale complexion, bright-red lipstick again, in a loose striped shirt (I know, the old Vogue white-shirt staple) and jeans. This one holds my attention. And then lingering, my eyes go down. I read “La Parisienne.” There you are! No wonder, I had unconsciously recognized my roots: the confident pale complexion that hides under no tan, fine and light pencil lines, simple and discreet chic with the elegance of Audrey Hepburn. I mentally give myself a pat on the back at having passed some test.

And then, aha, Brigitte Macron. We see her with her husband, arm in arm, in the courtyard of the Elysée palace, as if they were going to buy a baguette together at the local bakery.
She wears (it’s important because we are in a fashion magazine): jeans, and a kind of jacket. I see mostly the jeans. What long legs … Well, I’m not going to copy the style, but it makes me very happy to see this couple here in the waiting room of the x-ray department of my little town’s hospital in Nouvelle England.
There you have it. I admit. I too am under the spell of Brigitte Macron. I find her beautiful. What personality! What allure! What style! How does she get that hair, that complexion? That smile!
I want to age like her, if that can be called aging.
I start reading, thinking that I will have to steal the magazine if I do not have time to finish.
A blaring TV on the wall prevents me from focusing on Brigitte’s words. She says, “No, I don’t feel like a First Lady. It’s an American expression, isnt’ it? Besides, I am neither the first nor the last. And I’m not a lady. “
It sounds right. If I were in her place, I would do the same.

Interruption for what I came here for. I hope no-one grabs the magazine I leave on the chair.

Ouch!
Stop breathing.
Breathe
Now turn around

Whew, the magazine is still there at the right page when I return.
She talks about her marriage, of course. She marvels, too, like us.

Her bedside books? Rimbaud, Baudelaire, and Flaubert: Madame Bovary.
Maybe she says that for an American audience who will easily recognize these French classics? Perhaps. Yet, I want to believe it. It suits her well, very classic. It suits me very well too.

I sigh with pleasure. It is so good to feel French in the waiting room of a small hospital in a small town on the east coast of the United States waiting for a mammogram.
Now that I have visited the Elysée palace, I turn the page.

Some personal stories are interesting. I don’t know yet if I’m going to read this one. The title catches my attention while pushing me away, but the black and white presentation keeps me reading. “What It’s Like To Pay For Sex For The First Time.”
True enough, men have done just that forever. What does it look like on the other side? It reminds me of when I was married (it seems to me I had a similar thought at some point.)
So I read.
The girl doesn’t beat about the bush.
The story fits on one page and the author does not struggle with too many scruples. She tested for us, so I follow her in the experiment.
Hmm. So is this how it happens?
Two or three details: yes, they kiss. At one point the word “tenderly” appears. And then four orgasms: three for her and one for him. OK. And then he leaves as he came in. The experience cost her a thousand dollars all in all. She says it gives her a little secret, a tad more confidence in herself.

That’s when the radiologist calls me back.

My head still full of alternative worlds where experiences cross very private borders, I step in, clutching my unattached little green top.

So … what we see … these are benign calcifications … just come back in six months.”

Good. Relief after all. I leave behind the sunny waiting room, the Elysée palace, the adventurous girl’s experimental bedroom, and return to the office and my daily life.

Almost a mini-vacation

Agenda Ironique de Janvier- Recap

 

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Mes amis, je vois des étoiles, des étoiles, des étoiles!
Voici venue l’heure de récapituler les contributions qui constellent ces jours-ci la toile astrale de nos blogs. Les autres ont, je le rappelle, jusqu’au 24 Janvier pour participer – donc j’attends patiemment. Il s’agit d’écrire un poème commençant par “Si j’étais toi” et compilant les dix bons conseils donnés par l’Étoile:

 

L'Etoile

Vous verrez que certains d’entre vous ont utilisé l’Arcane de l’Etoile par différents illustrateurs. Un vrai régal ! :

Valentyne, sur La Jument Verte : https://lajumentverte.wordpress.com/2018/01/14/si-jetais-toi/

Iotop, sur Le dessous des mots : https://ledessousdesmots.wordpress.com/2018/01/05/si-jetais-toi/

Plimpszeste: https://palimpzeste.wordpress.com/2018/01/06/larcane-xvii-letoile/

Laurence Délis, sur Palette d’expressions: https://palettedexpressions.wordpress.com/2018/01/06/comme-des-poussieres-qui-nourrissent-lame/

L’Atelier sous les feuilles: https://lateliersouslesfeuilles.wordpress.com/2018/01/08/la-bonne-etoile/

Cléa Cassia : Les dix étoiles du si j’étais toi – M.é.a.n.d.r.e.s.

Ecri’Turbulente: https://ecriturbulente.com/2018/01/14/message-interstellaire-pour-lagenda-ironique/

La Licorne, sur Filigrane : https://filigrane1234.blogspot.fr/2018/01/une-etoile-la-haut.html

Manuraanana : https://manuraanana.wordpress.com/2018/01/14/agenda-ironique-2018/

 

Si j’en oublie, dites-le moi!

Merci de nous faire lire !