LE SALON DOUBLE
Quand je suis revenue chez moi
Le sofa était toujours au même endroit – le fauteuil là, dans l’angle
Devant, le repose pied. Le tapis délimitant la scène
La lumière du lampadaire baignait comme d’habitude l’ensemble
Mais quelque chose était différent
La différence était ailleurs que dans les choses matérielles
Il y avait dans l’air un air que je ne lui connaissais pas
Comme quand on est invité chez des voisins accueillants
Sauf que j’étais chez moi et que j’avais moi-même créé le décor
Que je voyais tous les jours depuis des années.
J’ai déjà fait cette expérience dans le passé
Rentrant chez moi dans un endroit ou un autre a passé quelque temps
Leur vision a modifié le terrain
Par une étrange osmose de leur être et des lieux
Dans d’autres cas, la transformation est réelle
La maison dans laquelle je vivais avant le divorce
Et que j’ai revisitée un jour, sans préméditation –
Plus une seule molécule de moi ne restait prise entre les murs
Je ne reconnaissais plus cet espace –
La lumière avait disparu
Une mer de chaises en bois échevelées
Attendait des invités invisibles et absents
Et sur les chaises, les dossiers et sur les sièges tressés
Des vêtements posés là, enroulés,
Des vêtements étrangers
Un chat faisait le mort sur une chaise en paille
Et près de la fenêtre, dans cette pièce sans rime ni raison,
Une table chargée de cailloux, pas de cristaux ni de galets vernis
Juste des pierres de taille moyenne, arrangées-là et qui couvraient la surface
Des portes-bonheur.
—
Un de mes poèmes préférés est La chambre double de Baudelaire – la façon dont les décors familiers ont l’air de se modifier selon la couleur de notre perception. Et puis la façon qu’on les personnes de teinter un décor, une ambiance de leur personnalité, très subtilement, ou moins subtilement. Et puis je voulais faire un peu dans la sentimentalité post-divorce juste pour voir, maintenant que les années ont bien amorti le coup, revisiter des lieux, voir comment les choses ont changé pour le meilleur ou pour le pire. Pas toujours facile, la vie.
THE DOUBLE LIVING ROOM
When I came home
The sofa was in the same place – the armchair there, in the corner
Facing it, the footrest. The carpet delimiting the scene
The light of the floor lamp bathed the scene as usual
But something was different
The difference could not be found in material things
Something was in the air that was unknown to it
Like when you are invited to a welcoming neighbors’ home
Except that I was home and had myself created the decor
Which I had been seeing every day for years.
I already had this experience in the past
Going back to a home where someone else has spent some time
Their vision had changed the terrain
By a strange osmosis of their being and space
In other cases, the transformation is real
The house where I lived before the divorce
And that I revisited one day, without premeditation –
Not a single molecule of me remained caught between the walls
The light was gone
A sea of disheveled wooden chairs
Waiting for invisible and absent guests
On the chairs, their backs and on the braided seats
Pieces of clothing were wrapped
Foreign objects
And a cat on a straw chair played dead
Near the window, in this room without rhyme or reason,
A table loaded with rocks – no crystals or varnished pebbles –
Just medium-sized stones, arranged and covering the surface
Good luck charms.
—
One of my favorite poems is Baudelaire’s La chambre double – the way familiar decors seem to change according to the color of our perception. And then the way people can tint a interior, an atmosphere with their personality, very subtly, or less subtly. And then I wanted to inject a little post-divorce sentimentality just to see, now that the years have amortized the blow, revisit places, see how things have changed for better or for worse. Not always easy, life.