Au beau milieu des arènes d’Arles
Un pigeon picore quelque chose dans le sable
L’ouverture de Carmen retenti,
Qui rebondit sur les pierres dans le soleil du midi
Il s’en fiche, le pigeon
Comme de la buvette à bière
Comme des toilettes aux murs de pierre
Comme des frais passages entre les arcades
Dans cet amphithéâtre inspiré du Colisée de Rome
Il s’en fiche du jeune taureau,
Et de la bande de garçons taquins
Qui tentent de lui toucher les cornes
Puis qui s’envolent, tels des crottes de nez blanches
Aux grillages
Il s’en fout il picore.
Il est libre.
Au contraire des premiers Chrétiens livrés aux fauves
Sous la liesse des spectateurs
Ou des esclaves gladiateurs
Forcés à s’entre-tuer dans l’arène
Et dont le sang serait proprement absorbé par le sable
Disposé à cet effet
Ou encore comme moi dans la classe de lycée
Quand j’étais prof, au beau milieu
Livrée aux fauves.
Le pigeon prend sa revanche
Pour nous tous pauvres martyrs.
In the center of the arena in Arles
A pigeon pecks something in the sand
The opening of Carmen resounds,
Trumpets bouncing on sun-warmed stones
He does not care, the pigeon
About the beer counter
Nor about the stone wall toilets
or about the cool passages between the arcades
In this amphitheater inspired by the Colosseum of Rome
He visibly does not care about the young bull,
or about the gang of teasing boys
Who attempt to touch his horns
Then fling themselves like white boogers
onto the fence
He does not care, he pecks.
He is free.
Unlike the first Christians thrown to the beasts
Under the cheers of wild spectators
Unlike gladiator slaves forced to kill each other
And whose blood would be properly absorbed by the sand
Sprinkled there for this purpose
Or me in the high-school class
French teacher, right in the middle
Ready for the massacre.
The pigeon takes his revenge
For all of us poor martyrs.