
J’avais encore les doigts tout poisseux de barbapapa quand je suis arrivé à la cabane qui proposait un voyage à Mars. C’était très simple. Une cabane avec une porte d’entrée, et une porte de sortie. Et le type derrière le panneau avait l’air sérieux. Pas du tout flashy. Il portait une veste sombre et un chapeau noir. Il me faisait un peu penser à Charlot, mais avec l’air moins triste. La seule décoration sur le mur derrière lui était la peinture d’une jeune femme style années trente, qui chevauchait un croissant de lune, lune qui n’avait pas l’air de rigoler non plus. Ce qu’il y avait, caché derrière ce mur m’intriguait, forcément.
Je me suis dit qu’ils auraient pu mettre des illustrations de Mars, plutôt que la lune, mais peut-être que c’était moins joli. Et puis il y avait les étoiles sur les rideaux, qui unifiaient un peu le tout. Alors j’ai fouillé dans mon portemonnaie et je lui ai donné les 10 cents.
Sans sourire, il m’a fait monter les marches et j’ai poussé le rideau comme dans une cabine d’essayage. C’était sombre à l’intérieur. J’ai vu une chaise en bois toute simple aussi, sur le plancher en bois. Il m’a fait asseoir et a tiré un foulard de sa poche. Je me suis dit qu’il ne voulait pas que je voie son système. Je n’ai rien dit. Qu’est-ce que j’aurais pu dire ? Donc il l’a noué, derrière ma tête, et c’est là que j’ai senti quelque chose contre mon nez et que je me suis retrouvée sur un chemin. C’était un chemin de terre, bordé d’une barrière en bois. De l’autre côté, des arbres, des feuillages, c’était tout vert, comme en été. Je marchais le long de la barrière, et au loin comme illuminé par un rayon de soleil l’entrée d’un autre chemin. La bouche de cette entrée me fascinait. Je me disais que c’était peut-être la porte du paradis tellement ça brillait, mais quand j’y suis arrivé j’ai vu que c’était comme la piste cyclable de la petite ville où j’habite. J’étais épaté. Donc j’ai continué à marcher et j’entendais des oiseaux, et ça sentait le désinfectant pour les fossés. Et rien de spécial, sauf quand j’ai vu un banc sur la gauche. Je me suis dit que c’était un bon endroit pour s’asseoir un peu. Ça ressemblait tellement au chemin de bicyclette où je me baladais régulièrement que j’ai voulu me pincer pour savoir si je ne rêvais pas. Mais c’était comme quand on essaie d’ouvrir les yeux quand on rêve, je n’y arrivais pas. Mais c’est là que je les ai vus. Comme vous et moi. Et que j’ai complétement oublié l’opération pincette, Ils étaient trois ou quatre, le chiffon à la main. Des petits hommes verts. Et ils étaient en train d’astiquer ce que j’ai tout de suite reconnu comme étant une soucoupe volante. J’en avais vu dans les films. Ça n’avait rien d’une soucoupe d’ailleurs. Plutôt la forme de deux soucoupes l’une sur l’autre, celle du dessus à l’envers. Et plein de fenêtres entre les deux. Une sorte de grosse pilule creuse. C’était blanc et brillant, et ils astiquaient. Et que je te frotte un hublot, et que je t’astique une patte. Parce qu’il y avait comme des pattes métalliques qui maintenaient la pilule au-dessus du sol.
Eux, les bonshommes, ils n’avaient pas l’air méchant. Ils ne m’avaient pas vu. Leurs tètes étaient vertes comme celles des mantes religieuses, j’observais ça de loin, et leurs corps plutôt petits et très maigres. Je me suis levé pour examiner ça de plus près. Et quand ils m’ont aperçu, ils ont eu un mouvement de recul. Ils montraient de la surprise, plus qu’autre chose. Je n’avais pas peur. Bonjour, je leur ai fait, en levant la main pour montrer ma paume en signe de paix. Ça faisait un peu comme les Indiens d’Amérique. Ils m’ont observé et se sont communiqué entre eux en faisant des sortes de bourdonnements comme les crachotements de la radio entre deux chaines. Je ne comprenais pas. Mais ils m’ont fait signe avec leurs mandibules de m’approcher et de monter les marches de la soucoupe. Comme je n’avais rien à perdre, j’ai obtempéré. Ça brillait, cet engin, comme la lune brille la nuit quand elle est proche de la terre. J’ai donc eu ce privilège de passer la porte et je me suis retrouvé dans une salle des machines, une pièce immense, pleine de manettes. Je me suis dit que ça ressemblait drôlement à ce que j’avais vu au cinéma. Donc ils ne s’étaient pas trompés, dans les films. Peut-être que je n’étais pas le premier à en faire l’expérience. Et puis il parait qu’on a décollé, mais je ne me suis pas rendu compte, je n’ai senti que des vibrations et une sorte de vertige, mais on allait à toute vitesse dans l’immensité de la voie lactée. Enfin ça devait être la voie lactée, je voyais des étoiles, des étoiles !
Et puis je me suis retrouvé étendu dans une sorte de chaise longue en bois. C’était dans une autre pièce que celle où j’étais entré, avec la chaise. En m’asseyant, j’ai vu dans la pénombre le rideau étoilé qui devait être le rideau de sortie que j’avais vu en entrant. J’avais un peu mal à la tête. Je me suis dit que j’avais fait un aller-retour un peu rapide, mais vu le prix que j’avais payé, je ne pouvais pas me plaindre. Je n’ai pas très bien saisi comment le Charlot s’y était pris pour ce voyage mais je n’avais pas envie d’entrer dans les détails. C’était comme les tours de magie, c’est mieux quand ça garde son mystère.
Ceci concocté pour l’Agenda Ironique, hébergé par l’ornithorynque qui nous proposait un voyage vers Mars.
Quant à moi, mes projets de blog sont beaucoup plus terre à terre. Je travaille dans l’ombre à présent, mais je travaille. Un jour ou l’autre, ce sera prêt.
Ca ne pique pas, ça ne pique pas … mais si ! la curiosité nous pique 😉
Voyage tout en douceur, et, franchement, un texte qui vaut mille fois les 10 cents 😉
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Merci L’Ornitho!
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très beau voyage vers Mars avec ce qu’il faut de mystère pour qu’on y croit (ou pas) 🙂
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Merci Carnets. Enfin pour le lecteur, y’a pas trop de mystère ! Je m’étais basée sur la vieille image du mouchoir imprégné de chloroforme véhiculée par les vieux polars Américains. Je viens de vérifier et selon mes trouvailles, ça ne marche pas ! Je suis prise à mon propre jeu.
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Mais si le chloroforme ne marche pas alors tu es vraiment allée sur Mars (et retour) !!!
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Ah, mais c’est vrai! maintenant que tu le dis!
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Belle et tendre histoire. On voudrait tellement y croire.
Et zou, tant pis, j’y crois.
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Alors là ! Je me découvre des super-pouvoirs… de persuasion ! Où cela va-t-il me mener ? Merci John.
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Visiblement votre tête était toute tourneboulée après cette aventure. 🙂 Vous avez raison mieux vaut parfois ne pas savoir tous les tenants et les aboutissants 🙂
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Bah oui, surtout qu’avec internet on a toutes les réponses. Même si je suis la première à satisfaire ma curiosité tout de suite, j’ai parfois la nostalgie du mystère d’autrefois.
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J’aimerais savoir où trouver cette baraque qui offre des vacances tellement originales loin de la foule des touristes et cela pour seulement 10 cents.
Et si c’est pas vrai? Bah tant pis, on peut bien rêver non, c’est encore autorisé…quand on y arrive!
Bonne journée.
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Merci de ton passage! 🙂
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c’est vrai, c’est parfois (souvent?) mieux de ne pas tout savoir, que serait la vie, que serait l’art, sans ses mystères 🙂
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10 cts le moment de bonheur, ça n’est pas cher 😉
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C’est pour moi, ce gentil commentaire? J’ai cru un moment que c’était pour un autre texte! ☺️
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bien sûr, c’est bien toi qui dis avoir donné 10 cents 😉 je pense que je les aurais donnés sans hésiter moi aussi 🙂
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Transports olfactifs très imagés ! On est vite intrigué, mais sans stup’-heurt !
Somme toute, pour ce mensuel, tu auras eu du nez, victorhugotte.
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