Ci-dessous ma production pour l’Agenda Ironique d’Octobre (voir note précédente), un sombre conte inspiré par ma propre donnée innocente. Pardonnez-moi d’avance.
1 – M. Elias Catrin, perché sur le toit de sa maison, tenait dans sa main un sandwich. La journée était belle : ciel bleu limpide, jolis nuages floconneux. Halloween approchait et comme tous les ans, M. Catrin avait sorti l’échelle et la boite de décorations saisonnières qui passait au garage le reste de l’année : la sorcière et son balais, le chat noir, le potiron. Tous les ans il décorait ainsi le toit de la maison familiale pour épater les voisins et amuser les enfants. Pour ajouter l’agréable à l’utile en cette scintillante journée d’été Indien, il s’était fait un sandwich au Munster et s’apprêtait à reprendre des forces, adossé à la cheminée, avant de se remettre au travail.
2 – Maître Renard, avocat de son métier, se baladait nonchalamment dans les parages, un parapluie sous le bras, mais pas complétement par hasard comme nous allons le voir. Son odorat fut interpellé par un relent familier qu’il plaça au bout d’un moment comme la senteur d’un fromage bien fait. Amateur de fromages forts, il huma avec plaisir et leva le nez, pour apercevoir la silhouette assise d’un bel homme en queue de pie, portant lorgnon et moustache.
3 – « Salut voisin ! » lança-t-il « Belle journée n’est-ce pas ?» feignant de ne pas le connaitre. Il avait reconnu en effet le personage soupçonné, mais sans certitude, par un cercle restreint d’être le maître-chanteur du village. Depuis le temps qu’il essayait de provoquer une rencontre accidentelle, l’heure de l’occase à ne pas louper était arrivée. Avec un peu de ruse, il allait lui faire lâcher quelque morceau concernant le cas de sa cliente Mme L. Et avec encore plus de chance, le sandwich dont les effluves l’affolaient.
4 – On se connait ? répondit Mr. Catrin en réhaussant son lorgnon.
– « Il me semble que nous nous sommes rencontré … peut-être… chez Mme. L. ? »
– « Mme L. ? connais pas. »
Le nom n’ayant pas même fait ciller Catrin, il fallait passer à une autre méthode.
5 – Essayant l’intimidation, il s’approcha de l’échelle. « Savez-vous qui je suis ? Je pourrais vous causer quelques ennuis, si vous voyez ce que je veux dire … » Mais Elias Catrin, la bouche pleine, continuait de måcher sa baguette sans montrer d’émotion. Rien ne tombait dans la direction de Maitre Renard que quelques feuilles rouges et or qui flottaient lentement vers le sol.
6 – Personne aux alentours – Renard vérifia en regardant autour de lui – et continua d’une voix doucereuse : « Allez, j’ai une proposition, on pourrait partager… je connais bien Madame L. ainsi que le montant exact de sa fortune, vu que j’ai moi-même rédigé son testament.» Il conclut ces mots d’un clin d’œil complice. Mais le bluff ne pris pas. Le Corbeau faisait la sourde oreille. La vue du sandwich et ses émanations serraient l’estomac de Renard et la salive lui montait à la bouche, ainsi que la moutarde au nez. Il fallait en finir.
7 – « Ahem… j’ai vu une de vos lettres anonymes, un trésor de créativité, cursives et capitales si joliment découpées dans les journaux, d’un goût exquis. Esthétique admirable ! » Le corbeau en queue de pie ne se senti pas de joie, et brandissant au ciel le sandwich, il ouvrit la bouche : « Vous trouvez aussi ? de laquelle parlez-vous exactement ? Celle où Mme L…. » Dans son animation et par inadvertance, il catapulta son casse-croûte en l’air. La demi-baguette pleine du crémeux Munster tomba au pieds de Renard.
8 – L’avocat s’en empara et failli défaillir, tant le fromage sentait encore plus fort de près. Mais en se retournant il lança : « J’ai maintenant ma réponse ! Apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute ! » Le corbeau jura, honteux et confus, qu’il se ferait la prochaine fois un sandwiche à la Mozzarella.
Sans tambour ni trompette, Renard s’en retourna, savourant sa victoire.

Miam !! tu places l’échelle très haut 🙂
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C’est le cas de le dire! Hahaha
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et sans vergogne tu m’empruntes mes personnages ! hihihi !!
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Ben oui, je m’excuse!!
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tu diras ça à Jean de la F. 🙂 🙂 !!
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Jean serait content de voir l’évolution de ses personnages ! les sept pas sont allègrement franchis 😀 il m’arrive aussi de me servir des phrases de notre humaniste, sinon à quoi ça aurait servi qu’il se décarcasse 😀 une histoire qui sent bon malgré tout ! merci à toi
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Vu comme ça… en effet. Dans la même lignée, je me demande parfois ce que Mozart penserait de notre musique actuelle. :0
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C’est très drole. Bravo !
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Merci Aldor!
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Un remake très réussi !
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J’adore ! La revisite de la fable est drôle, c’est encore mieux que la fable elle-même !
Bien joué ! 🙂
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Je suis moi-même flattée ! Merci 😊
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Excellent !
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