
Nous sommes en 1942 sous l’occupation allemande.
Gabriel vient d’arriver à Paris, après sa fuite du camp de Haute Silésie. Il s’est réfugié chez sa sœur, dans une petite rue de Paris, pas loin d’une petite boutique de repassage.
Je dis petite rue parce qu’il ne s’agit pas des grands boulevards, mais d’une de ces petites rues dans l’ombre desquelles il est facile de se cacher. Et une petite boutique parce le commerce consiste en une ou deux pièces où une ou deux ouvrières pressent le linge derrière le comptoir.
C’est important, cette boutique de repassage. Ce n’est pas une blanchisserie exactement, on y repasse seulement le linge. Nous sommes toujours pendant la guerre, et qui sont les clients ? sûrement les plus fortunés. Ça se trouve rue Vavin, dans le 6e. Pour situer, la rue débute en face d’une entrée du jardin du Luxembourg et se termine boulevard du Montparnasse. C’est le quartier Notre Dame des Champs.
Il se trouve qu’Ambroisine visite ce commerce. Elle entend les ouvrières, ou bien même la patronne, qui s’appelle Rose, parler des rafles des juifs, et des résistants qui se risquent à cacher des âmes. Ambroisine, sent qu’elle ne va pas pouvoir abriter Gabriel pendant longtemps. Même s’il n’est pas juif, il est tout de même prisonnier de guerre évadé.
Mise en confiance par le discours des femmes de la boutique, elle s’enhardit à parler du fugitif. Est-ce qu’une d’elles pourrait le cacher ? Rose propose à Ambroisine de l’envoyer chez sa propre fille, Henriette, qui travaille aussi à la boutique.
A moins que ce soit Henriette qui se soit proposée d’elle-même.
Henriette habite à 25 minutes à pied de la rue Vavin, au 35 rue Pascal.
Le jour arrive où les menaces le forcent à décamper – on entend de plus en plus parler de rafles, d’arrestations, de dénonciations. Il faut faire vite. Il sort de sa cachette et descend dans la rue pour faire son chemin, ni vu ni connu, par les rues où grouillent les soldats.
Arrivé à l’adresse, il se rend compte qu’il ne connait ni l’étage ni l’appartement. Pas de téléphone portable à l’époque. Il n’y a pas d’autre solution que de frapper aux portes. Il tente sa chance. « Je cherche une locataire du nom d’Henriette. »
La persistance le récompense, il frappe finalement à la bonne porte.
De quoi a-t-il l’air, à 34 ans, après sa vie héroïque ? Comme les héros des jeux vidéo de nos jours, il a abattu des obstacles à répétition, et s’est relevé toujours, pour continuer la bataille.
Il est douteux qu’il porte un uniforme. Est-il rasé ou porte-il une barbe de trois jours ?
La jeune femme qui lui ouvre la porte n’a qu’un an de moins que lui. Divorcée, elle vit avec ses deux fils d’une dizaine d’années. Elle l’invite en vérifiant autour d’elle qu’il n’y a pas eu de témoins.
La porte se referme.
* * *
Illustration: vue de la rue Vavin de nos jours
Trop “claqué”, le “…des résistants qui se risquent à cacher des âmes”.
Parole de petit-fils de…
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Ca veut dire quoi “trop claqué?” je ne connais pas l’expression.
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Hi ! Hi ! Tu n’as plus 20 ans, ce me semble (moi non plus, de loin !). Mes deux filles, oui. 22 et bientôt 25, elles.
Cela signifie que “ça claque”, “ça envoie du lourd”, euh… “c’est bath (?)”😁
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C’est ben vrai. Mais pour ma défense, il y a aussi le fait que je ne vis plus en pays francophone depuis ces jeunes années dont tu parles. Mes deux filles, 18 et 26 parlent aussi leur propre évolution de l’anglais. Me voici donc trois fois larguée. Mais je suis bien contente que ça claque ! alors.
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Irish coffe or somewhere else overseas?
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De l’autre côté de l’Atlantique, vers Boston, La Nouvelle Angleterre. Je reviens quand je peux, mais pas le temps d’assimiler les nouvelles expressions.
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Ben, du coup, j’en ai deux pour toi (par leurs titres, mais pas que…)
https://polesiaque.wordpress.com/2023/03/04/the-upstairs-room/
et pi ça aussiche…
https://polesiaque.wordpress.com/2023/03/02/stoned-to-say-the-least/
et sinon… Fiou ! C’est comment ‘frisquet, sur Boston ?
T’envoie mes modérations climatiques normandes.
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J’aime bien tes poèmes, même si The Cure, ça me passait au-dessus de la tête a l’époque. Et que maintenant c’est trop tard. (Je crois que je suis coincée avec Cabrel. 😊) Patti Smith aussi, Je connais de nom, mais c’est trop dur pour moi, donc je sens que le sens de tes poèmes m’échappe. Pourtant j’aime bien l’atmosphère.
Sinon, a Boston, on est plus près de Montréal que de la Floride. Donc du coup c’est plutôt Charlebois, « Je reviendrai à Montréal » tu vois ? Plutôt avoir de la neige en hiver, comme d’hab, que pas du tout.
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Je vois beaucoup de “correspondances” entre Robert Smith et Baudelaire. D’ailleurs, il a repris les premiers paragraphes du ‘Spleen de Paris’ dans un titre cinglant et grinçant “How beautiful you are’. Ma recommandation pour entrer dans son verbiage littéraire.
For whatta cure, however! 😉
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Quant au “sens” de mes poLèmes, j’espère que tu sais y trouver, çà et là, quelques échos “parlants”.
Sauf à être proprement descriptive ou naturaliste, il me semble qu’il existe en l’écriture, dans le lien qu’elle sous-tend entre l’écrivant et le lecteur, cette même boîte noire qui se loge au mitan d’un dialogue. Un zone de vide absolu, où il n’est pas certain qu’aucun des deux interlocuteurs se rejoignent jamais, sauf à instaurer, instiller, quelques moments propices au “feedback”, à la recherche d’un retour sur ce qui s’est exprimé.
Chose compliquée pour ce qui l’est par écrit…
Kichiou 🙂
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