Mon grand-père vs. Olivier Messiaen

Faisons une interruption dans la narration de la vie de mon ancêtre, et posons-nous une question : quel est le point commun entre mon grand-père et Olivier Messiaen ?
A part la cravate, à première vue, aucun.
Or, si vous m’avez bien suivie, vous en connaissez un, de point commun.
Ils sont nés la même année, 1908.
L’autre, et je le découvre plus tard, c’est qu’ils se font faire prisonnier par les nazis et se retrouvent dans des camps de Haute Silésie. De là à savoir s’il s’agit d’un seul et même camp, je ne sais pas et ne le saurai jamais.

Je sais que cette comparaison de vies saugrenue n’est pas charitable pour mon aïeul. Mais les destins me fascinent. Je considère ceci comme une étude scientifique.

Donc les nouveau-nés voient le jour en l’an 1908. Gabriel au mois de Mars et Olivier au mois de Décembre.
A priori, si les hommes naissent égaux, ces deux bébés le sont.

C’est là que les choses divergent. Olivier est le premier enfant d’un professeur d’anglais et intellectuel Catholique, et d’une mère poétesse nommée Cécile Sauvage. Il est très tôt influencé par les poèmes de sa mère, et l’œuvre de Shakespeare, que traduit son père.

Gabriel lui, est l’enfant numéro dix ou onze d’un ouvrier et d’une femme au foyer issus de la campagne agricole bretonne.

En 1914 alors que Gabriel vient de perdre son père, celui d’Olivier est mobilisé et la mère emmène ses deux jeunes fils à Grenoble pour vivre avec leur oncle. Le jeune Olivier Messiaen s’amuse à mettre en scène Shakespeare devant son petit frère. Il acquiert une foi catholique qui ne le quittera plus.

Quelle est la foi du petit Gabriel ? avec une sœur portant le nom féminisé de Saint Ambroise, on pourrait penser que ses parents étaient catholiques. Surtout si on considère que la Bretagne est, en général, catholique. A quoi joue-t-il avec sa sœur Louise de deux ans son ainée, ou son frère Louis ? Ont-ils entendu parler de Shakespeare ?

Olivier commence ses leçons de piano, après avoir fait l’apprentissage de l’instrument en autodidacte. Il avait donc accès à un piano.
En 1918, son père revient de la guerre, et la famille déménage pour Nantes (on se rapproche de la bretagne.) Le jeune Olivier, âgé de dix ans, continue néanmoins à suivre des cours de musique. Son professeur d’harmonie lui fournit la partition de l’opéra Pelléas et Mélisande de Debussy, qui est pour Messiaen une révélation. L’année suivante, son père obtient un poste de professeur au lycée Charlemagne à Paris, et la famille déménage à nouveau.

Pendant que Gabriel devient complètement orphelin a onze ans, le père d’Olivier devient professeur au lycée Charlemagne à Paris. Le petit garçon entre au Conservatoire national de musique et de déclamation à Paris, pour étudier le piano et les percussions, l’improvisation, l’orgue, la composition et l’orchestration.

Gabriel, lui, reste dans la petite ville bretonne de Guingamp, jusqu’à ce que l’aventure l’appelle à se présenter comme apprenti mousse.

Olivier effectue de brillantes études. En 1924, à l’âge de 15 ans, il obtient un second prix d’harmonie.

A 15 ans, Gabriel, qui a laissé tomber les goélettes et l’Islande, fait une formation sur les chantiers.

A 18 ans, en parallèle, les deux garçons perdent un être cher : Gabriel son frère ainé, Albert ; et Olivier sa mère.

A 24 ans, Olivier se marie avec Claire Justine Delboos.
La vie de Gabriel n’est pas documentée, mais on ne parle pas mariage.

En 1939, sans se connaitre, Gabriel et Olivier Messiaen sont mobilisés par l’armée française, puis se font prendre par les Nazis.
Sans se connaitre (mais ce n’est pas vérifié), les deux passent plusieurs mois en Haute Silésie. Olivier se retrouve dans le stalag VIII-A à Görlitz, avant d’être libéré en mars 1941.  Il compose durant sa réclusion son Quatuor pour la fin du Temps. La première est donnée dans le camp le 15 janvier 1941 par un groupe de musiciens prisonniers.

Gabriel, de son côté, comme nous l’avons vu, ne cherche qu’à s’évader. Il y réussi et retourne à Paris.

Que se passe-t’il par la suite ?

Après la guerre, Olivier Messiaen qui a enseigné à l’École normale de musique de Paris et à la Schola Cantorum et à la même époque participe à la fondation du groupe Jeune France. Il rencontre et travaille avec une jeune femme qu’il épousera plus tard, Yvonne Loriod.

Sans vouloir empiéter sur les chapitres à venir, nous savons déjà que Gabriel s’éteint à cinquante-six ans, alors qu’Olivier voyage, se produit comme pianiste avec Yvonne Loriod, et enseigne dans divers pays : Argentine, Bulgarie, Canada, États-Unis, Finlande, Hongrie, Italie, Japon.

Il meurt à quatre-vingt-trois ans.

Deux vies, deux destins, qui par moment semblent se rapprocher dans le temps et l’espace.
Deux coupes très différentes, mais également pleines.

Ce que j’en déduit : rare sont ceux qui cumulent les gènes, le talent, la chance de devenir un grand compositeur. Il y a de quoi s’émerveiller devant le jeu de hasard d’une naissance, son hérédité et son milieu, puis les événements de la vie qui font le reste. Mon étude prenant fin, nous allons reprendre le récit.

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